EDITORIAL DE MONSIEUR JACQUES TOUBON
Près de cinq ans après que j’ai pris la fonction de Défenseur des droits, le double rôle
que joue l’institution dans la société française m’apparait de plus en plus clairement : sismographe de la demande sociale, révélateur des craquements, des fractures
d’un peuple écartelé entre la planète et le village ; alarme, porte-voix, témoin soucieux
du déclin des droits fondamentaux et de leur inégale effectivité.
Le Défenseur des droits a ce double rôle car partout en métropole et outre-mer par
son réseau de délégués, par le traitement de près de 100 000 demandes annuelles,
par ses partenariats avec la société civile, par la réalisation d’études scientifiques, il
est confronté aux défaillances des services publics, à la prévalence de certaines
discriminations, à la méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant, aux
manquements à la déontologie des forces de sécurité et à la fragilité des lanceurs d’alerte.
C’est tout cela que ce rapport d’activité essaie de restituer.
Le Défenseur des droits n’est donc pas, d’évidence, l’observateur impavide des temps
calmes. Il marque les temps gris, les averses, les chemins difficultueux, les souffrances
de celles et ceux qui sont contraints de les emprunter.
Et rien, hormis le respect des principes républicains, ne peut l’empêcher de dire ces
vérités.
Son indépendance institutionnelle et sa liberté l’autorisent, lui imposent même, de proclamer l’absolu des droits fondamentaux que tout contribue à relativiser aujourd’hui.
Défendre et promouvoir les droits et les libertés fondamentales obligent à interpeller
les pouvoirs publics, à donner des avis au Parlement et au gouvernement, à présenter
des observations devant les tribunaux, à dénoncer ou alerter sur ce que les analyses
des juristes de l’institution définissent comme des atteintes au droit.
Le Défenseur des droits ne se contente pas d’observer, il prévient, aux deux sens
de prévenir : empêcher d’advenir et avertir.
Responsabilité lourde dans la période actuelle, attendue et espérée par celles et ceux qui gardent l’état de droit et la préservation des libertés individuelles au coeur de notre
démocratie, critiquée par ceux, plus nombreux sans doute, qui ont d’autres convictions,
d’autres points de vue, des priorités,idéologiques, politiques ou économiques qui
les conduisent à préférer le principe de réalité à tout autre impératif.
Hélas, sur nombre de sujets essentiels pour la cohésion nationale et l’appartenance à
la République, sécurité et libertés, politique migratoire et droits humains, universalité et
performance, égalité et modernisation, le débat public n’arrive pas à s’instituer. Les peurs, les exclusions, les intérêts interdisent de regarder les choses en face, de partager les questions et de construire des solutions, en particulier par le levier, puissant, du droit.
Le Défenseur des droits ne prétend pas être Cassandre, dont les Troyens ont refusé
d’écouter les adjurations, ce qui les conduisit à la défaite et à l’exil ; il n’entend faire la leçon à quiconque.
Il continue à demander que personne ne détourne son regard de la réalité des hommes
et des femmes qui vivent ici, qu’ils et elles soient entendus et écoutés dans leur demande d’effectivité des droits et que leur égale dignité soit sauvegardée.
À la tête d’une tâche indispensable de contrôleur extérieur et indépendant de la mise
en oeuvre des droits fondamentaux– le présent document en fait rapport – le Défenseur
des droits en appelle à la responsabilité des pouvoirs républicains et de la société civile afin qu’ils perpétuent sans compromis le progrès des droits humain
POUR LIRE LE RAPPORT COMPLET:ddd raa-2018-num-19.02.19