Sept Français sur dix se montrent inquiets des risques de maltraitance pour eux-mêmes ou pour leurs proches. Ils considèrent même cette question comme la deuxième plus grande préoccupation derrière les maladies graves. C’est ce qui ressort d’une enquête publiée par le CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), en novembre 2022. Une étude commandée par le ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, Jean-Christophe Combe et qui n’a fait que « renforcer sa volonté d’engager une politique de lutte contre les maltraitances », assure Alice Casagrande, conseillère dédiée à cette thématique, au sein du cabinet de M. Combe. La sortie de « brûlots » sur le sujet au cours de l’année 2022, notamment le livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs, ou encore celui de Thibaut Petit, Handicap à vendre, ont d’ailleurs contribué à cette prise de conscience collective. Or, s’il existe une politique de lutte contre les violences faites aux femmes, défendue depuis le mouvement « Me too » notamment, tout reste à écrire en matière de maltraitances envers les personnes dites « vulnérables ».
Faire appel à la société civile
Après avoir engagé une série de quatre saisines pour documenter la question des maltraitances depuis sa prise de fonction en juillet 2022, Jean-Christophe Combe souhaite aller plus loin pour « répondre à l’attente sociétale profonde ». Si des premiers travaux ont été engagés depuis 2019, avec la Commission dédiée à la promotion de la bientraitance qui a produit une définition de référence inscrite dans le Code de l’action sociale et des familles et dans le Code de la santé publique, le gouvernement fait désormais appel à la société civile. Le ministre des Solidarités a donc annoncé, le 2 février 2023, le lancement de ses premiers « Etats généraux de la maltraitance », qui s’ouvriront en mars 2023 et qu’il présidera. Il sera accompagné d’un comité de pilotage « transpartisan », inauguré le 16 mars 2023 et composé de plusieurs « personnes ressources », parmi lesquelles Danièle Langloys, membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) . Son périmètre d’action concernera les adultes vulnérables, à savoir les personnes âgées, en situation de handicap et de précarité. Exit la protection de l’enfance et les violences conjugales, sujets qui relèvent d’autres portefeuilles ministériels.
Une plateforme de recueil de plaintes
Les Etats généraux verront siéger en leur sein des associations, professionnels, aidants et experts du sujet, dont l’identité n’a pas été encore pleinement définie, « pour construire une véritable politique de lutte contre les maltraitances à l’échelle qu’elle mérite », explique Alice Casagrande. « Ce qui nous intéresse, c’est la rencontre entre les acteurs qui s’occupent de ces politiques sur le terrain et les attentes des populations. Il n’est pas du tout question d’une concertation pilotée par nos seules forces », poursuit-elle. Objectif : intervenir vite et mieux. Des groupes de travail seront créés sous l’autorité du cabinet du ministère des Solidarités mais aussi des ministères de l’Intérieur et de la Justice, avec la participation des forces de l’ordre ou encore sous l’égide de professions rassemblées par exemple au sein de l’ordre des pharmaciens. Ces instances pluridisciplinaires plancheront sur plusieurs thématiques spécifiques : du repérage de maltraitances précoces à domicile, à la lutte contre l’âgisme, en passant par les discriminations envers les personnes handicapées. Les citoyens seront également appelés à participer ou, du moins, à faire part de leurs plaintes ou réclamations, via une plateforme en ligne dédiée. Cette dernière, encore en phase de test, sera opérationnelle en mars 2023 et proposera un questionnaire « normalement accessible aux personnes en situation de handicap au regard des normes actuelles », promet le ministère. En revanche, elle ne remplacera pas l’alternative téléphonique du 3977, ligne dédiée à la lutte contre les maltraitances envers les personnes âgées ou handicapées, qui a d’ailleurs connu un bond de 40 % des appels au premier semestre 2022 (Lire : Maltraitance: les établissements médico-sociaux pas épargnés).
Un rapport à l’automne 2023
Les concertations s’étaleront de mars à juin (minimum) et permettront l’élaboration d’un état des lieux, avant la rédaction à l’automne 2023 d’une synthèse avec des propositions concrètes. Celle-ci sera confiée au ministre avec, au même moment, la remise d’un rapport rédigé par la Conférence nationale de santé sur la mobilisation de toutes les parties prenantes. « Le rapport n’est pas une fin en soi, fait savoir Alice Casagrande. Il doit déboucher sur un travail exploratoire. » En d’autres termes, des amendements pourront être proposés au niveau parlementaire. Affaire à suivre.