UrgenceHandicap, c’est le cri d’alarme lancé par l’Unapei. Sur les affiches, un slogan : « Oublié, vous trouvez ça normal ? ». Des photos en noir et blanc, des couleurs sombres, des visages fermés… L’ambiance n’est pas à la fête.
Une nouvelle campagne d’alerte
A trois mois de l’élection présidentielle, l’Unapei, association de défense des droits des personnes en situation de handicap intellectuel et cognitif, dévoile le 20 janvier 2022 sa nouvelle campagne pour alerter sur les manquements de l’Etat auprès des personnes en situation de handicap, de leurs aidants et des professionnels. La colère épuise depuis des mois le milieu médico-social du handicap. En amont d’une nouvelle action collective du 24 au 30 janvier, ces « oubliés » étaient une nouvelle fois appelés à la grève le 18 janvier pour réclamer la hausse des salaires pour « tous » les professionnels impliqués et pas seulement les soignants, en référence à la fameuse prime mensuelle de 182 euros du « Ségur de la santé » qui était censée gratifier et qui, depuis, ne cesse de diviser (article en lien ci-dessous).
Démissions en masse
Question d’argent mais pas que… De reconnaissance, aussi. Le secteur hurle son agonie face aux démissions massives (vers des secteurs plus lucratifs) et l’impossibilité de recruter des professionnels formés. Une hémorragie, inexorable, exacerbée par le contexte sanitaire. Cette crise est jugée par tous « sans précédent », qui ramène les personnes handicapées « des années en arrière », selon l’Unapei. Conséquence, certaines d’entre elles, en particulier avec des handicaps complexes, sont « mises en danger, privées de soins et d’activités essentielles à leur vie », insiste l’association qui refuse d’être le « témoin silencieux ». Elles sont les « oubliées » des « oubliés ». Les proches sont contraints de prendre le relais, sacrifiant leur vie personnelle et professionnelle, victimes collatérales d’un système qui déraille.
Interpeller les candidats
Après la pétition lancée en octobre 2021, déjà soutenue par plus de 80 000 signataires, l’Unapei se rappelle donc aux bons souvenirs des pouvoirs publics mais aussi de tous les candidats à l’élection présidentielle, ceux-là même qui se sont drapés dans leur indignation lorsque l’un d’entre eux, Eric Zemmour, a dérapé sur la place des élèves handicapés à l’école (article en lien ci-dessous). Si le handicap était jusqu’alors absent des allocutions politiques, il a fait une entrée en force, et remarquée, certainement éphémère, dans le débat. La plupart des enfants handicapés seraient bien mieux dans les établissements spécialisés, a estimé le candidat d’extrême droite. Sans préjuger du fond de sa pensée, encore faut-il qu’ils puissent y être accueillis. La période actuelle n’a jamais été si peu propice. Battre le fer tant qu’il est chaud… L’Unapei exige donc des « engagements concrets », ce qui suppose la « transformation profonde de l’offre des services dits de droit commun et des moyens financiers à la hauteur de l’enjeu d’une société inclusive ».
Des mesures urgentes
Le Collectif handicaps ajoute de l’eau à ce moulin qui s’emballe. Se désespérant du silence de l’Etat « face aux personnes handicapées en souffrance », il exhorte lui aussi le Premier ministre à « prendre des mesures d’urgence ». Celles annoncées par Jean Castex le 13 novembre 2022 n’ont donc pas suffi (article en lien ci-dessous) ? Pour aller plus loin, le gouvernement a promis une Conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social qui aura lieu le 18 février 2022 (article en lien ci-dessous). Par ailleurs, il annonce le lancement d’une campagne de recrutement d’urgence dans les secteurs sanitaire, du grand âge et du handicap ; pour « susciter des vocations », tandis qu’une campagne de communication nationale est prévue dès le 15 février 2022. Pas assez vite, selon le Collectif handicaps qui déplore que les échéances fixées par le Premier ministre soient « reportées » et redoute des « réflexions sur le secteur médico-social (qui) vont nécessairement demander du temps ». Or, selon lui, la « mise en danger » est réelle, actuelle, avec des « situations dégradantes » et une « maltraitance institutionnelle ». La cinquantaine d’associations réunies au sein de ce collectif réclame, au-delà de la revalorisation salariale de tous les professionnels, « qui ne réglera pas toutes les difficultés », un soutien direct aux services et établissements qui ne peuvent plus fonctionner correctement et aux aidants contraints de pallier ces dysfonctionnements. Plus le temps de « louvoyer », agir devient impératif pour « éviter davantage de drames ».