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Des sites Internet* sont dans le collimateur d’internautes aveugles ou malvoyants. Ces derniers leur reprochent, pêle-mêle : de ne pas pouvoir accéder à la gestion des contrats au travers de l’espace client, de ne pas respecter de nombreuses règles définies dans le RGAA (Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité) ou encore l’inaccessibilité des services en ligne qui constitue un refus de vente et une atteinte à la liberté d’accès aux biens et services. Sur le site du Conseil départemental des Yvelines, un usager déplore « l’impossibilité pour une personne aveugle de trouver le formulaire de renouvellement de sa prestation de compensation du handicap, forfait cécité ». En parallèle, l’association apiDV dénonce l’inaccessibilité de Pronote, le logiciel de gestion de vie scolaire inutilisable par les enseignants, parents d’élèves ou élèves déficients visuels. Huit citoyens ont donc décidé d’interpeller Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat au Handicap, afin qu’elle fasse appliquer la loi. C’était en juillet 2021, huit courriers envoyés mais, depuis, silence radio.
Trop de sites inaccessibles
Si ces saisines pointent les sites que chaque plaignant utilise fréquemment, ce défaut de respect des critères imposés vaut malheureusement pour un nombre « encore trop élevé d’entreprises », regrette la CFPSAA, collectif regroupant l’ensemble des associations de personnes déficientes visuelles. Le secrétariat d’Etat au Handicap admet lui-même « qu’en dépit de l’obligation légale, de nombreuses entreprises sont encore à la traîne ». A titre d’exemple, en 2020, seuls 4 % des sites publics ont publié leur attestation d’accessibilité (conformité RGAA). Le cabinet de Sophie Cluzel admet que cette « mobilisation citoyenne qui a valeur d’exemple va pousser les entreprises à l’action (…). C’est le principe de faire-savoir, qui aura certainement un impact ». Il rappelle que n’importe quel citoyen qui constate le défaut d’accessibilité d’un site web soumis à cette obligation peut interpeller les autorités et que sur chacun doit d’ailleurs figurer un onglet qui permet de laisser ses suggestions. Mais ne serait-il pas plus simple de faire appliquer la loi, en s’appuyant sur des textes suffisamment solides et explicites ?
Ce que dit la loi
Depuis celle de 2005, l’accessibilité des sites Internet, intranet et extranet des organismes publics est obligatoire. Les directives européennes, lois et décrets qui ont suivi ont renforcé cette obligation. Puis un décret (2019-768, en lien ci-dessous) de 2019 l’étend aux entreprises privées avec un chiffre d’affaires de ventes de plus de 250 millions d’euros. Elles avaient un an pour se mettre en conformité tandis que les nouveaux sites devaient être accessibles dès l’origine, même si le texte ouvre une possibilité de dérogation en cas de « charge disproportionnée ». Le secrétariat d’Etat admet que « cette accessibilité a un coût et que tout ne peut pas se faire à vitesse égale ». Pourtant, dans le cas des huit sites incriminés, « aucune justification raisonnable ne peut être opposée », insiste la CFPSAA. « Si ces dispositions sont désormais bien installées dans notre corpus juridique, force est de constater que la loi reste souvent bafouée », s’impatiente-t-elle. Déplorant un « préjudice » et une situation devenue « inacceptable » pour près de deux millions de personnes déficientes visuelles en France, elle dit « applaudir la détermination » de cette poignée de plaignants.
A quand les sanctions ?
En cas de manquement, les entreprises peuvent écoper d’une amende pouvant aller jusqu’à 20 000 euros. « Le montant maximum de la sanction apparaît bien dérisoire au regard de la taille des entités concernées », taclait le Conseil national du numérique (CNNum) en 2019. Et encore faut-il qu’elle soit réellement appliquée, ce qui n’est visiblement pas le cas. « Tant qu’il n’y a pas de sanction réelle, certaines jouent la montre, même en sachant qu’elles sont hors la loi », consent le cabinet de Sophie Cluzel. Pourtant, dans le décret de 2019, il est écrit noir sur blanc que c’est à elle qu’il revient de la « prononcer ». Ses services invoquent une situation en stand-by… C’était jusqu’à maintenant à la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale) de vérifier le respect des obligations et de proposer les sanctions ; or une autre autorité doit prendre sa succession qui n’est pas encore désignée, le gouvernement assurant être « en plein arbitrage ». Alors quand ? Pas de réponse pour le moment. Pour aller plus vite en besogne, le CNNum préconisait en 2020 la création d’une « délégation ministérielle de l’accessibilité numérique », laquelle serait dotée d’un « pouvoir de sanction sur auto-saisine ou sur plaintes d’usagers ».
Prochaine étape : la justice
« Si les sanctions tardent à tomber, la ministre pourrait quand même aller aux nouvelles », presse la CFPSAA. Or le cabinet de Sophie Cluzel assure n’avoir « pas eu connaissance de ces courriers ». Le collectif déplore que le secrétariat d’Etat « tente de gagner du temps ». Désormais alerté, ce dernier promet de « relancer ces entreprises » et de « faire des retours ». Selon la loi, elles doivent présenter leurs observations et justifications et, le cas échéant, les motifs de défaillance, dans un délai de trois mois. En l’absence de réaction, les signataires promettent d’agir en justice en allant « cliquer » à la porte du Conseil d’Etat.