Avis du 22 mai 2018 « Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux »
texte n° 62
Avis du 22 mai 2018 « Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux »
NOR: CDHX1814532V
(Assemblée plénière du 22 mai 2018 - Adoption : 20 voix pour, 7 voix contre, 7 abstentions)
1. La France est mondialement reconnue pour la qualité de sa médecine et la compétence et le dévouement de son personnel soignant. Elle dispose d'un système de santé et d'assurance maladie envié. En 2015, elle était classée à la 15e place d'une étude réalisée par la revue The Lancet sur la période 1990-2015 dans 195 pays (1). Néanmoins, ce classement est en recul - elle était en tête du classement OMS en l'an 2000 (2) - et elle reste mal classée sur deux critères : la mortalité évitable avant 65 ans liée à des comportements de santé et aux inégalités sociales de santé (3). Or si les problématiques financières et géographiques d'accès aux soins sont de plus en plus identifiées et étudiées, comprendre les inégalités sociales de santé implique de prendre en compte la question des discriminations et maltraitances, notamment envers les populations les plus vulnérables, qui reste pour l'instant peu étudiée.
2. Le 1er mars 2018, Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, alertait le Gouvernement, par une procédure de recommandation en urgence à la Ministre de la santé, sur l'existence de maltraitances médicales au sein du Centre hospitalier universitaire de St Etienne (4). Elle y dénonçait une atteinte aux droits des patients et aux droits fondamentaux visible chez des patients relevant de problèmes psychiatriques en signalant un " traitement inhumain ou dégradant ", au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Ce signalement, qu'elle décrit elle-même comme un cas parmi d'autres dans le secteur psychiatrique, n'est malheureusement pas un fait isolé.
3. La récente libération de la parole des patients et des soignants sur le sujet des maltraitances dans le système de santé a mis en lumière des faits préoccupants. Parmi les affaires les plus médiatisées, on pourrait rappeler celles relevant de violences obstétricales, de la prise en charge des patients autistes, de la question de l'accueil et de la prise en charge des personnes âgées dans les EHPAD (Etablissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) (5) ou dans les établissements psychiatriques.
4. Ces phénomènes de maltraitances dans notre système de santé peuvent avoir de graves conséquences pour les patients et sur le bien être des soignants. Et ce alors même que l'accès aux soins est un droit fondamental de valeur constitutionnelle (6) rappelé par le code de la santé publique (7) et reconnu par de nombreux instruments internationaux (8).
5. C'est pourquoi, en complément des travaux d'autres institutions (9) portant sur les difficultés d'accès aux soins liées aux problèmes d'accessibilité financière et géographique, la CNCDH a souhaité se concentrer sur un des freins à l'effectivité du droit aux soins moins identifié : les phénomènes qui empêchent notre système de santé d'être " bientraitant " à l'égard de tous.
6. Loin de constituer une attaque contre le personnel soignant (10), le terme " maltraitance " renvoie donc ici aux dérives actuelles du système de santé français. Comme l'indique le rapport Compagnon de 2009 " la maltraitance est avant tout le fait d'un système et non pas d'un individu " (11). Il ne s'agit donc pas d'opposer les patients aux médecins et autres personnels de santé, mais plutôt de mettre en évidence les souffrances subies par l'ensemble des acteurs du système médical, qu'ils soient soignants, patients ou aidants. Cette étude ouvre une perspective large incluant la médecine hospitalière et ambulatoire, les établissements médico-sociaux, le champ de la recherche et de l'industrie pharmaceutique tout en faisant des focus sur les catégories de population les plus touchées par ces maltraitances.
7. Bien qu'il n'existe pas de définition juridique de la maltraitance, la commission d'enquête du Sénat sur la maltraitance des personnes handicapées (2003) et le rapport Compagnon et Ghadi (2009) rappellent que le Conseil de l'Europe considère comme maltraitance " tout acte, ou omission, qui a pour effet de porter gravement atteinte, que ce soit de manière volontaire ou involontaire, aux droits fondamentaux, aux libertés civiles, à l'intégrité corporelle, à la dignité ou au bien-être général d'une personne vulnérable " (12).
8. Ces maltraitances peuvent se traduire par des paroles maladroites discriminatoires ou insultantes, des humiliations, des négligences ou encore des violences physiques pratiquées de façon volontaire ou non par le soignant. Le non-respect du droit des patients, et notamment la question du droit au consentement libre et éclairé, sur lequel la CNCDH a déjà produit un avis (13), peut également être à l'origine d'actes maltraitants.
9. Face à l'écho médiatique de certains cas de maltraitances, quelques pistes de réflexions et de réponses ont été proposées par les pouvoirs publics comme la création de labels de bientraitance dans les établissements médicaux, le renforcement des Commissions des usagers (14) ou encore la demande d'un rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) pour objectiver et quantifier les violences obstétricales. (15) Ces initiatives institutionnelles s'ajoutent à celles lancées par des professionnels du soin et des associations de lutte contre les discriminations (16), qui s'avèrent toutefois souvent ponctuelles et restent dépendantes de l'engagement de quelques personnes.
10. La CNCDH regrette que les maltraitances soient toujours étudiées de façon segmentée, plutôt que globale en en dégageant les caractéristiques communes. En effet, la confrontation des paroles des usagers, notamment ceux présentant des vulnérabilités particulières et celles des professionnels de santé s'occupant de leur prise en charge, a permis d'entrevoir un décalage dans l'appréhension des phénomènes. L'existence de dysfonctionnements généralisés, aux causes semblables, nécessite de prendre en compte la globalité du système de santé afin de proposer des réponses efficaces.
11. Pourtant, la CNCDH constate qu'aucun chiffre n'existe aujourd'hui pour quantifier la maltraitance provoquée par le système de santé en France. Le ministère de la Santé fait état d'une large satisfaction sur la qualité des soins prodigués par les médecins (17) mais n'affiche pas d'enquête prenant en compte l'ensemble du système de santé. Le service statistique du Ministère de l'Intérieur n'a quant à lui produit qu'une enquête large sur le cadre de vie et de sécurité (18) mais qui ne prend pas en compte la spécificité des hôpitaux et des espaces dédiés au soin. La CNCDH n'a pas non plus eu connaissance d'enquêtes dites de " victimation " spécifiques aux maltraitances dans le milieu médical.
12. En effet, l'acte maltraitant est difficile à évaluer : il s'agit de prendre en compte tout autant la dimension quantitative que qualitative et la perception de tous les acteurs du système de santé, usagers inclus. Par ailleurs, la maltraitance peut n'être que le résultat visible de dysfonctionnements systémiques, dont on constate l'aggravation : dépenses contraintes, effectifs limités ; elle peut être provoquée par des locaux insuffisants ou inadaptés à une prise en charge globale ; elle peut résulter aussi d'habitudes et pratiques informelles. Ceux-ci sont moins le fait d'acteurs identifiables auxquels on pourrait imputer la responsabilité de la maltraitance, que d'un système dont " la logique arrive à son terme " (19).
13. Il s'agit d'interroger les mécanismes d'un système de santé qui engendre des souffrances. La CNCDH propose, dans cet avis, de dépasser la logique strictement économique pour privilégier un système de santé fondé sur l'humain qui puisse garantir les droits fondamentaux en s'adaptant aux spécificités de chacun. Il s'agira dans un premier temps de constater en quoi le système de santé actuel peut générer de la maltraitance et faire obstacle au droit fondamental à l'accès aux soins ; puis, dans un second temps, de suggérer des pistes de réflexion et des recommandations pour un système de santé inclusif et bientraitant.
I. - UN SYSTÈME DE SANTÉ QUI PEUT FAIRE OBSTACLE AU DROIT FONDAMENTAL AUX SOINS
A la suite du constat qui peut être fait (A) seront analysées les raisons qui permettent de parler d'un système de santé en crise (B).
A. - Le constat : notre système de santé génère de multiples maltraitances
14. A travers ses auditions, les nombreux documents produits par des soignants ou des patients et d'articles de presse, force est de constater, pour la CNCDH que la maltraitance est présente dans notre système de santé et qu'elle se manifeste sous des formes très diverses.
1. Les multiples formes de la maltraitance des patients
15. En 1987, le Conseil de l'Europe a défini la maltraitance comme une violence se caractérisant par " tout acte ou omission commis par une personne, s'il porte atteinte à la vie, à l'intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d'une autre personne ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière. " En 1992, il a complété cette définition par une classification des actes de maltraitance selon les catégories suivantes : violences physiques, violences psychiques ou morales, violences matérielles et financières, violences médicales ou médicamenteuses, privations ou violations de droits. Il y inclut aussi les négligences actives : toutes formes de délaissement, d'abandon, de manquements pratiqués avec la conscience de nuire et les négligences passives qui relèvent par exemple de l'ignorance ou de l'inattention de l'entourage.
a) Les humiliations du quotidien : attitudes et paroles maladroites, déplacées ou discriminatoires
16. En premier lieu, les maltraitances prennent la forme de paroles et d'attitudes maladroites, déplacées voire discriminatoires, exprimées plus ou moins consciemment, et qui se traduisent pour le patient par des discriminations et des humiliations en privé ou en public.
17. Soumis à des cadences de travail de plus en plus élevées, des soignants avouent dans certains cas oublier la présence de la personne soignée et parler d'elle en la nommant par le nom de sa pathologie (20). Ce déni de son identité et de son humanité va souvent de pair avec un déni de sa parole et de ses besoins. Les mots et l'attitude du personnel font partie intégrante du processus de soin. En effet, " l'hypersensibilité qui accompagne la vulnérabilité (inhérente à la définition même d'un patient) est normale " (21). Ce sont parfois les règles de courtoisie les plus élémentaires qui sont oubliées, réduisant la personne à sa condition de patient ou à son âge. Même si ce sont des mots parfois prononcés avec bienveillance, la désignation des patients à la troisième personne comme dans les expressions " mamie " ou " ma petite dame ", a également une portée réelle sur l'estime de soi du patient et renforce l'impression d'absence de communication. Au contraire, de simples questions, comme obtenir la permission de toucher le patient avant un examen, ou de simples gestes (frapper avant d'entrer dans une chambre, respecter l'intimité de la personne, etc.) améliorent significativement la relation de confiance entre le soignant et le malade et peuvent prévenir le réveil de traumatismes (22).
18. De même, nombre de comportements dans l'accompagnement quotidien des personnes négligent leur dignité. Certains soins, comme ceux qui relèvent de la toilette, sont organisés dans une logique comptable pour réduire les effectifs du personnel, reléguant la qualité du soin au second plan en négligeant la dignité des patients (23). Ce type de comportement se rencontre trop fréquemment en EHPAD. La CNCDH salue l'avis du CCNE, rendu public le 16 mai 2018, sur la façon dont sont considérées les personnes âgées notamment en EHPAD mais pas seulement en EHPAD.
19. D'autres formes assez répandues de maltraitance sont l'absence de dialogue, les reproches, la minimisation des besoins et la présomption d'incapacité à comprendre les explications d'un soignant (24). Nombre de patients se plaignent que leurs souffrances ne soient pas suffisamment prises en compte par les soignants (25), ceux-ci se contentant de leur dire de faire " avec " ou de les renvoyer à un soutien psychologique. Les préjugés sont aussi souvent à l'origine d'une mauvaise prise en charge : certains soignants ne prennent pas le temps d'adapter leur prise en charge à la diversité des patients, ce qui a amené le médecin Didier Ménard à parler de " maltraitance relationnelle " (26). C'est parfois le cas pour les femmes, qui sont réputées mieux communiquer et exagérer leurs souffrances, ceci pouvant mener à un mauvais diagnostic et une prise en charge soit inexistante, soit inadaptée, comme par exemple en cas d'endométriose (27). Certains soignants pensent aussi que parler de sexualité et de contraception à un patient handicapé ou une personne perçue comme étant en surpoids (28) est inutile puisque " cela ne les concernerait pas ".
20. Les situations ressenties comme maltraitantes (manque d'informations, incompréhensions, temps d'attente, paroles humiliantes, mépris, etc…) peuvent à leur tour engendrer de la violence. Pour preuve la campagne d'affichage récente " Stop la violence à l'hôpital " listant les poursuites encourues par les patients en infraction, mais ne faisant pas mention des droits des patients. Si la violence ressentie par les patients mène parfois au renoncement aux soins, elle peut aussi engendrer de l'agressivité. La réponse affichée qui ne remet pas en question l'institution ni le mode opératoire des soignants peut être par elle-même violente pour des patients rendus responsables unilatéralement d'une ambiance délétère.
21. Ces maltraitances peuvent aussi avoir un caractère intentionnel. Ce sont des comportements qui visent à " punir " la personne âgée perçue comme trop difficile, ou la parturiente trop exigeante pour qui on retarde la péridurale (29). Ce sont aussi des pratiques comme le non-respect du genre des personnes trans que l'on appelle avec le mauvais prénom en salle d'attente, exposant ainsi leur vie privée, ou bien l'humiliation des personnes en surpoids exprimée verbalement ou par une différence de traitement (30).
b) Non-respect des droits des patients et du consentement libre et éclairé
22. Une autre forme de maltraitance des patients constatée à de nombreuses reprises par la CNCDH est le non-respect du recueil du consentement libre et éclairé, pourtant obligatoire depuis la loi Kouchner de 2002 et alors que le droit aux soins devrait inclure non seulement un accueil respectueux de la part du personnel médical mais aussi une prise en compte de la volonté du patient dans chacun des actes prévus dans son parcours de soin. La loi encadre précisément le caractère obligatoire du consentement : l'article L.1111-4 du code de la santé précise ainsi qu'" Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ". La CNCDH rappelle que, pour tout acte médical, y compris pour les personnes en fin de vie, le soignant doit demander le consentement du patient, ou du tiers de confiance en cas d'incapacité, et que ce consentement doit être apporté après des explications et un temps de réflexion. En effet, nombre d'annonces sensibles, telle que celle d'une maladie grave, sont encore faites de façon brutale ou dans des lieux inappropriés, au mépris des règles déontologiques (31).
23. La CNCDH regrette des pressions, et parfois des informations incomplètes, de la part du personnel soignant pour influencer le patient, biaisant ainsi la notion de consentement. Dans certains cas, le consentement n'est purement et simplement pas demandé en violation de la loi. Des entorses au droit à un consentement libre et éclairé sont à déplorer au sein des CHU (Centre Hospitalier Universitaire), comme l'ont montré certaines affaires médiatisées, à l'image du toucher vaginal pratiqué sur des patientes endormies (32). Le caractère de " lieu de formation " de l'hôpital, à l'intention des futurs médecins et soignants, peut être une source de contraintes et de malaises supplémentaires pour les patients.
24. Parfois il s'agit de pressions abusives à suivre certaines procédures pour bénéficier de soins. Ainsi, on demande aux personnes perçues comme étant en surpoids de perdre du poids avant certains soins (33), ou pour l'accès à la Procréation Médicalement Assistée alors même qu'il n'y a pas toujours de nécessité thérapeutique, et que cela peut leur être impossible. Dans le cas des personnes trans (34), on leur impose parfois de prendre part à des recherches et de passer des tests psychologiques, sans leur en donner le résultat, si elles veulent être suivies à l'hôpital public pour leur transition. Certains soignants suggèrent - voire obligent - ou dissuadent leurs patients de suivre des soins particuliers. L'APF (Association des paralysés de France) explique ainsi que des soignants découragent des femmes en situation de handicap qui souhaitent avoir un enfant en leur affirmant qu'elles seront victimes de fausses couches, d'infections urinaires à répétition ou qu'un recours à des césariennes sera nécessaire alors qu'aucune documentation sérieuse ne peut étayer ce propos (35). Des femmes en surpoids reçoivent également ce type de conseils et sont parfois même incitées à avorter (36). A l'inverse, elles subissent fréquemment une forte incitation à la chirurgie bariatrique, qui ne s'accompagne que rarement d'un suivi médical et psychologique, alors que ces opérations peuvent entraîner des maladies de l'intestin et accroître le risque suicidaire (37).
25. Par ailleurs, le consentement libre et éclairé peut être brouillé par des soignants et des aidants (familiaux ou amicaux) qui sont dans une démarche qui leur paraît bienveillante mais qui oublient leur absence d'autorité sur les choix du patient. Ainsi, il existe une forme de " paternalisme médical " (38) qui consiste à prescrire voire interdire des choses au patient alors que celui-ci consulte pour un autre sujet (39). Ce type de situation peut conduire le soignant à faire des choix à la place du sujet et crée une hiérarchie patient/soignant nuisible à l'établissement d'un projet thérapeutique commun basé sur des relations de confiance et d'échange. Par exemple, dans certaines maternités, la dépossession du droit à décider s'accompagnerait bien souvent de discours anxiogènes basés sur les arguments de la bonne santé de la mère et de l'enfant à naître. Ainsi, la péridurale ou la césarienne sont par exemple fortement conseillées, parfois afin de répondre à des problèmes d'organisation de service et des naissances planifiées pour les mêmes raisons (40). Ou encore, des organisations professionnelles de médecins se félicitent de pouvoir faire revenir des patients en fin de vie sur leurs directives anticipées (41).
26. Devant de tels constats, la CNCDH rappelle que le consentement doit être au cœur du soin quelle que soit la personne soignée. Bien que le principe de consentement " libre et éclairé " soit connu de tous les soignants, certains n'ont pas suffisamment conscience de la nécessité de préparer ce consentement. L'absence de questions ou d'explications précises de la part du soignant, l'utilisation d'un vocabulaire incompréhensible, le manque de temps ou de confidentialité peuvent conduire à des décisions hâtives et des risques de malentendus. En outre, le manque d'inclusion des patients, et notamment des patients les plus vulnérables, dans le processus de réflexion et de décision du corps médical peut conduire à des choix thérapeutiques inadaptés à leur situation personnelle qui ne permettront pas une bonne adhésion au processus de soin. La CNCDH a constaté que le temps accordé à l'explication et à la réflexion reste perfectible. Par exemple, comme le rappelle le Collège national des sages-femmes, l'entretien prénatal précoce reste sous utilisé et est même considéré par certains médecins comme inutile. Il lui est reproché de n'être qu'un temps de discussion et non un temps utile au soin alors même qu'il permet à la femme de poser toutes ses questions sur l'accouchement, de prendre conscience des différents scénarios de préparation et d'éventuelles complications pour faire des choix éclairés.
c) Refus de soins
27. La CNCDH déplore que les refus de soins, sans réorientation, soient encore si nombreux, alors même qu'ils contreviennent à l'article L1110-3 du code de santé publique qui rappelle que " aucune personne ne peut faire l'objet de discrimination dans l'accès à la prévention et aux soins ". Ce phénomène commence à être relativement documenté, notamment lorsqu'il s'agit de refus de soins opposés aux bénéficiaires des dispositifs de protection sociale mis en place pour garantir une couverture universelle (AME, ACS et CMU-C) (42). Il faut cependant souligner qu'il touche aussi des personnes ayant des pathologies complexes (séropositivité, polypathologies, autisme…), ou en situation de handicap, ainsi que parfois les femmes voilées. Il peut s'agir de refus de prise en charge ponctuelle, mais aussi de refus d'inclusion en patientèle, ce qui pénalise ces personnes puisqu'en l'absence de médecin traitant, les consultations chez les spécialistes sont bien moins remboursées par l'assurance maladie. Parfois, le refus de soin peut prendre des formes plus dissimulées telles que des délais très longs, des horaires spécifiques, ou la non mise aux normes de cabinets médicaux. Si certains professionnels peuvent être en effet surchargés, l'éthique médicale voudrait que soit pris le temps d'adresser le patient à un confrère ou de l'orienter vers une structure adaptée à sa prise en charge. (43) Concernant le refus de soin, la CNCDH salue la mise en place des commissions d'évaluation de la pratique des refus de soins auprès des conseils de l'ordre, en application de la loi de modernisation du système de santé de 2016, mais regrette que des outils d'enquête et des financements spécifiques n'aient pas accompagné cette mesure.
d) L'indisponibilité de traitements
28. Accéder au soin implique aussi de pouvoir suivre le traitement prescrit par le médecin. La question du coût du médicament a déjà été largement abordée par d'autres institutions comme le CESE dans son rapport sur le prix et l'accès aux traitements médicamenteux innovants (44). Ce rapport réclame davantage de transparence, l'instauration d'études prospectives sur l'incidence des traitements innovants et la représentation " effective " des associations d'usagers et de malades au sein des instances qui évaluent et fixent les prix. La CNCDH dénonce la prédominance des intérêts des industries pharmaceutiques sur ceux de la santé : l'avis du CESE conduit à questionner les modalités de mise en place de la " licence d'office " permettant de lever le brevet d'un médicament pour des raisons de santé publique et de faire fabriquer des médicaments génériques moins coûteux à l'achat.
29. Par ailleurs, la CNCDH s'inquiète aussi fortement de la recrudescence des cas de ruptures d'approvisionnement de médicaments obligeant des malades à suspendre leur traitement. De plus en plus de patients font face à des pénuries, en particulier pour les MITM (Médicaments d'Intérêt Thérapeutique Majeur). Selon l'Agence nationale de sécurité du médicament, ces pénuries auraient augmenté de 30 % en un an alors qu'interrompre ces traitements représente " un risque grave et immédiat " (45). A l'heure où le ministère de la Santé encourage la prévention et la vaccination (46), nombre d'anti-infectieux sont en rupture de stock ou en situation de tension d'approvisionnement. Bien qu'un rapport d'activité de l'ANSM daté de 2015 ait déjà dénoncé la production en flux tendus dans les laboratoires, la CNCDH remarque que cette situation s'aggrave considérablement, malgré les risques qu'elle comporte et en dépit des dispositions adoptées par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016. Parmi ces risques on peut rappeler la mise en cause du pronostic vital de patients ainsi que " la perte de chance importante au regard de la gravité ou du potentiel évolutif " (47) d'une maladie.
30. Même quand les médicaments sont accessibles, ils ne sont pas pour autant adaptés à toutes les personnes : en effet, les tests préalables au lancement des produits ne sont pas toujours effectués sur des échantillons suffisamment représentatifs de la population (48). Les personnes, spécifiquement les femmes, appartenant à des groupes médicalement spécifiques et les personnes de petite ou de forte corpulence sont fréquemment sous représentées dans les essais cliniques (49) ; ceci conduit à des protocoles et des posologies inadaptés, pouvant entraîner des effets secondaires ou réduire l'efficacité du traitement, voire conduire à son abandon. (50)
e) Les cas les plus extrêmes : des traitements inhumains et dégradants
31. Au-delà des pratiques évoquées ci-dessus, certains comportements relèvent de traitements inhumains et dégradants. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté décrit dans son rapport daté du 14 avril 2016 (51) sur les hôpitaux psychiatriques l'usage abusif de contentions et d'isolement prolongé, sans pouvoir se laver, se changer et avoir accès à des vêtements propres. Elle note aussi des formes d'infantilisation et d'abandon des patients laissés en pyjamas des jours entiers ou sans possibilité matérielle d'appeler en cas de besoin. Plus grave encore, et contraire au principe de consentement, des personnes sont maintenues attachées, contre leur volonté, des jours durant. Par ailleurs, la CNCDH s'inquiète du manque de contrôle des conditions d'internement par l'autorité judiciaire qui en a la charge.
32. Certaines formes de violences obstétricales peuvent aussi conduire à des traitements dégradants. Ce terme, qui n'a pas de définition officielle, renvoie à de multiples formes de violences, par exemple, la pratique de césariennes à vif à la suite d'une anesthésie inefficace.
33. La CNCDH considère aussi que certains traitements infligés aux personnes intersexes relèvent des traitements inhumains et dégradants. En effet dans un protocole en date de 2018 (52) la HAS tient un discours ambigu sur la pratique d'opérations de mutilation sexuelle sur les nouveaux nés intersexes. Ces opérations, réalisées afin de rendre l'apparence de leurs organes génitaux conforme au sexe dans lequel sera élevé l'enfant, et ce sans nécessité médicale, entraînent de lourdes conséquences à vie pour les patients et de nombreuses complications. (53) De telles opérations se font au mépris du consentement de la personne, les parents étant contraints de décider immédiatement, et sans tenir compte des normes internationales de protection de l'enfant, du respect de son intégrité physique, et des recommandations de l'ONU (Comité des droits de l'enfant, Comité contre la torture, Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, 2016) et de l'Assemblée du Conseil de l'Europe (résolution 2191, 2017 (54) ).
2. La maltraitance dans le parcours des patients
a) La maltraitance peut être présente dans tous les lieux du parcours de soins
34. La maltraitance peut être identifiée sous différentes formes dans l'ensemble des étapes du parcours de soins d'un patient et quel que soit le secteur. En médecine libérale, c'est plus souvent le refus de soins (55) sans réorientation vers d'autres spécialistes, mais aussi les discours maladroits, stigmatisants ou moralisateurs, liés à des préjugés qui en sont les principaux symptômes.
35. A l'hôpital, la maltraitance trouve son origine dans l'absence ou la mauvaise prise en compte du consentement, le manque de lits et de personnel, le manque d'information, la surmédicalisation ou encore des actes médicaux prodigués à la hâte pour des raisons de surcharge de travail. Dans les services d'urgences, il est banal que les patients attendent pendant des heures sans prise en charge ni information (56). Ce phénomène est presque général : le " no bed challenge ", lancé à l'initiative de Samu-Urgences de France, et auquel participent un sixième des services d'urgences de France, recense chaque nuit des centaines de patients contraints de rester sur des brancards. Extrapolés à l'échelle de la France, en moins de trois mois, ce sont ainsi plus de 120 000 patients concernés (57).
36. La CNCDH remarque une maltraitance institutionnelle. Elle se traduit par des violences telles que la suspension de prestations ou de couverture maladie sans préavis. La complexité des démarches administratives est elle aussi vectrice de découragement dans l'accès aux soins et pousse même certains à y renoncer.
37. La CNCDH note aussi des incohérences et un manque de dialogue entre le système sanitaire et social. Plusieurs médecins auditionnés (58) ont souligné que des personnes consultaient dans le système de santé pour des pathologies dont la réponse relevait autant de l'action sanitaire que de l'action social. Il est nécessaire de considérer chaque personne dans sa globalité, en tenant compte de sa pathologie, mais aussi de son état psychique et de ses conditions de vie. Par exemple, des appels répétés d'une même personne au Samu ne relevant pas d'une solution médicale sont purement et simplement rejetés alors qu'une retransmission vers une assistante sociale de secteur ou un appel à des équipes mobiles auraient apporté une solution (59).
b) Une maltraitance aggravée pour les personnes les plus exposées aux discriminations
38. Au fil des auditions, la CNCDH a constaté que des patients sont particulièrement exposés à des discriminations. C'est le cas notamment des personnes vivant avec un handicap, des personnes lesbiennes, gaies, bies et trans, des personnes en situation de pauvreté, des personnes étrangères, des personnes âgées ou des personnes perçues comme étant en surpoids. Et plus les personnes cumulent ces facteurs de discrimination, plus elles sont confrontées à des obstacles qui les conduisent fréquemment à reporter ou à renoncer à des soins.
39. La CNCDH regrette l'absence d'indicateurs globaux et d'études permettant de mesurer l'étendue de ces maltraitances et discriminations. Les auditions ont pourtant mis en évidence la récurrence de paroles et de comportements discriminatoires envers les patients en situation de handicap, qui varient selon les spécificités de chacun mais constituent des manquements à la déontologie médicale. Selon celle-ci, " le médecin doit, en toutes circonstances, respecter les principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine " (60). Il en est de même pour les personnes perçues comme ayant un surpoids, qui souffrent souvent de propos déplacés et de prise en charge inadaptée (61). Les personnes d'origine étrangère et celles en situation de pauvreté semblent aussi rencontrer fréquemment des obstacles pour accéder aux soins, pour différentes raisons : le manque de maitrise de la langue, les différences culturelles, réelles ou supposées, le milieu social méconnu du corps médical. L'âge est aussi un facteur qui augmente la vulnérabilité des patients dans le cadre de leur prise en charge par les soignants : dans l'un de ses entretiens (62), Pascal Champvert, président de l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) rappelle l'impact de l'âgisme (63) dans nos sociétés. Les personnes lesbiennes, gaies, bies et trans souffrent elles aussi de traitement différenciés et discriminatoires dans notre système de santé. Près d'un homme gay ou bi sur 3 (32,7 %) et plus d'une femme lesbienne ou bie sur 3 (36,8 %) ont déjà ressenti, au cours de leur vie, un propos ou geste perçu comme déplacé quant à leur orientation sexuelle ou à l'homosexualité en général de la part de son médecin généraliste (64). Comme la CNCDH l'a déjà indiqué lors d'un précédent avis, " 85 % des personnes transgenre déclarent avoir vécu de la transphobie ce qui les a conduites à renoncer à l'accès à certains services et notamment à des soins de peur de vivre des discriminations, et ne sont que 3.3 % à oser porter plainte, la plupart considérant que la police et la justice ne pourraient traiter leur cas " (65). Très paradoxalement, l'état de santé peut aussi causer des difficultés de prise en charge. Ainsi, près de la moitié des personnes séropositives déclarent avoir subi des discriminations dans le milieu médical (66).
40. Par ailleurs, dans l'ensemble, les femmes sont davantage victimes de préjugés que les hommes dans notre système de santé et cela entraine des formes de maltraitances spécifiques. Alors que les séjours en maternité sont généralement une des rares occasions heureuses de séjourner à l'hôpital, sur les 73 maternités d'Ile de France pour lesquelles les données sont disponibles, seules 5 ont un taux de satisfaction supérieur à 75 % (67). Le hashtag #payetonutérus permet aussi de constater la fréquence des propos condescendants, paternalistes voire discriminatoires dans le cadre de consultations gynécologiques.
41. Ces phénomènes de maltraitance et de discrimination se cumulent et s'amplifient lorsque les personnes sont au croisement de plusieurs facteurs de vulnérabilité. Par exemple, les femmes vivant plus longtemps que les hommes (68), sont très majoritaires en EHPAD et sont donc particulièrement exposées aux maltraitances liées à la fois à l'âge et au sexe. D'autres facteurs peuvent se combiner : l'origine ethnique de patientes influence parfois directement le parcours de soin de ces dernières avec l'emploi fréquent de protocoles tels que la césarienne appliquée aux femmes d'origine africaine sans nécessité avérée au regard des données scientifiques (69).
42. Malgré le grand nombre de personnes susceptibles de subir ces entraves à l'accès aux soins, la CNCDH regrette que la maltraitance soit généralement perçue et étudiée comme un phénomène de niche, isolé, ponctuel, et non comme le produit d'un dysfonctionnement global du système de santé. Pourtant on retrouve de nombreuses causes identiques à l'origine de ces dysfonctionnements : poids des préjugés et stéréotypes, manque de temps, manque de formation, manque de communication avec le patient…
c) Des franges entières de population exclues des soins
43. Au-delà des problèmes de maltraitances, la CNCDH rappelle que des franges entières de population sont freinées ou exclues dans leur droit à l'accès aux soins. Selon le 11ème baromètre Ipsos/SPF 2017, les renoncements aux soins persistent et augmentent même considérablement. Ces renoncements s'expliquent par un manque de moyens financiers puisque 39 % des personnes interrogées ont affirmé avoir des difficultés à payer des actes médicaux mal remboursés par la sécurité sociale. Ils s'expliquent aussi par la peur de l'endettement. En effet, le Trésor public poursuit des personnes qui ont une dette hospitalière même celles disposant de très faibles revenus. La CNCDH s'inquiète de voir que ces chiffres sont en augmentation de trois points par rapport à 2016. A cela s'ajoute la mauvaise prise en compte d'un certain nombre de déterminants sociaux de santé, comme le coût d'une alimentation équilibrée, d'un logement sain ou les risques sociaux-professionnels.
44. Bien que des dispositifs comme les PASS (70) existent, leur nombre reste insuffisant et leur mise en œuvre inégale (71). De plus, les lieux de soins accessibles à tous, les modalités de prise en charge et le droit des patients ne sont pas toujours connus des personnes en situation de très grande précarité et d'isolement. A cela s'ajoute l'impossibilité, pour certains, de répondre aux formalités administratives puisque les démarches d'accès à la CMU-C et l'ACS (Aide à la Complémentaire Santé), ou à l'AME restent pour elles complexes et dissuasives. Selon le Fonds CMU, au 31 décembre 2012, 1.7 millions de personnes n'ont pas recours à la CMU-C, soit un taux de non recours s'élevant à plus de 20 % des bénéficiaires potentiels. L'insuffisance du nombre d'agents d'accueil à la CPAM ne permet pas l'accompagnement des personnes ayant des difficultés de compréhension de la langue, du langage administratif ou une méconnaissance des codes. Enfin, le manque de médiateurs susceptibles d'aller à la rencontre des personnes ayant renoncé aux soins, ou de faire le lien entre des patients et des soignants, empêche notre système de santé d'être suffisamment inclusif. Il convient cependant de souligner les efforts considérables faits par de nombreux hôpitaux pour l'accueil des migrants (Nantes, Briançon et bien d'autres).
45. Le système administratif peut s'avérer stigmatisant à cause de préjugés, en particulier (72) pour les attributaires de l'AME ou les patients bénéficiaires de la CMU-C : l'alerte s'affichant sur l'ordinateur du praticien représente une " stigmatisation structurelle " (73) et peut conduire à des discriminations. Celles-ci ont pour conséquence une exclusion ou une auto exclusion du droit commun. Le milieu associatif vient alors combler les failles d'un système qui, oubliant le principe fondamental d'égalité de traitement, ne répond pas aux besoins de la totalité des patients présents sur le territoire français. Cette décharge de responsabilité pointe la nécessité de " protéger " certains patients en leur offrant la possibilité d'être accompagnés tout au long de leur parcours de soins (74). A cet égard, la CNCDH attire l'attention sur le cas des personnes réfugiées ou migrantes, qui ont souvent subi des parcours traumatisants et dont les conditions de vie précaires augmentent les risques de détérioration de leur santé mentale et physique (75).
3. La maltraitance dans le parcours des soignants et des aidants
a) Des soignants en grande souffrance et en quête d'une pratique plus humaine
46. La maltraitance est omniprésente dans le quotidien des soignants. Le constat est lourd. Aujourd'hui, " 100 % de soignants ressentent un épuisement, qu'il soit moral (22 %), physique (13 %), ou pire, des deux (64 %) tandis que 47 % d'entre eux font ou ont déjà fait l'expérience d'un burn out. Dans certaines régions (…), le nombre d'appels de soignants (visant à obtenir un accompagnement téléphonique) a ainsi été multiplié par 13 entre 2010 et 2017 " (76). Ces problèmes d'épuisement et de surmenage s'accompagnent de problèmes physiques et psychologiques chez le personnel soignant qui peuvent aller jusqu'au suicide.
47. La CNCDH remarque qu'une partie de ce personnel est tout d'abord victime du non-respect de la réglementation du travail. Les repos de sécurité réglementaires ne sont pas toujours respectés (77). L'épuisement qui en résulte est de nature à entraîner une mauvaise prise en charge du patient, des maltraitances ou des erreurs médicales. Par ailleurs, il est susceptible de mettre les soignants eux-mêmes en danger par des moments de perte d'attention pendant ou après le travail (78).
48. Le nombre d'heures travaillées par semaine est, dans de nombreux cas, bien trop important. L'ISNI (InterSyndicat national des internes) dénonce par exemple des services de 60 heures par semaine chez les internes. La CNCDH rappelle qu'on demande aussi à ces derniers d'effectuer des tâches administratives ou des tâches liées à de la gestion d'équipe (en particulier à la demande de chefs de service) (79) alors qu'ils ne sont pas formés à cet effet et qu'ils manquent de temps.
49. Le même problème se retrouve aussi chez les infirmiers et les aides-soignants qui, par dévouement et/ou par conscience professionnelle finissent par effectuer du travail gratuitement (80), hors heures de service, afin de répondre aux besoins des patients ou des résidents dont ils ont la charge (81). Ceci entraîne un épuisement dû à un système de santé dont les ressources humaines sont pensées en fonction de critères de " rentabilité " au détriment des besoins des patients et des soignants.
50. Nombre d'établissements de santé et médico-sociaux fonctionnent sous tension. L'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) estimait déjà en 2014 que 90 % des EHPAD manquaient de personnel (82). Une situation qui ne s'est pas améliorée comme en témoigne le vaste mouvement social des personnels et direction d'EHPAD. Une longue grève inédite dans un EHPAD du Jura d'avril à juillet 2017 a entraîné une mission parlementaire sur les EHPAD, laquelle évoque dans ce contexte une " maltraitance institutionnelle " (83). Lorsque le soignant effectue son service au quotidien, il se retrouve souvent dans l'impossibilité de prodiguer le soin tel qu'il l'entend par obligation de service. Cette frustration représente une véritable violence psychologique. Si le soignant répond aux exigences du service dans le temps qui lui est imparti, il culpabilise de ne pas avoir pris le temps de bien faire un travail qui implique un engagement humain auprès des patients. A l'inverse, s'il ne termine pas les tâches qu'on lui a confiées, il se sent inefficace. Les soignants peuvent agir en conséquence de façon maltraitante malgré eux (84). L'oubli des besoins, de la dignité (85) et de l'intégrité des patients devient parfois inévitable pour des soignants eux-mêmes surmenés. Nombre de vocations sont ainsi mises à mal par une pratique soignante qui ne prend pas suffisamment en compte l'humain.
51. Ce constat fait pour l'hôpital ou l'EHPAD vaut aussi pour la médecine libérale : la plupart des médecins libéraux, particulièrement les généralistes travaillent plus que la moyenne des actifs, manquent de temps de pause, de temps non professionnel et souffrent souvent de fatigue. Par ailleurs, le rapport du ministère des solidarités et de la santé sur " l'emploi du temps des médecins libéraux " (86) indique que les médecins libéraux souffrent de représenter la dernière réponse face aux failles d'un corps social en crise. Ainsi, nombre d'entre eux " disent avoir une action médicale sur des problèmes sociétaux liés à la solitude, à la souffrance au travail (harcèlement), à l'image de soi et du corps " (87) et certains " se sentent réduits à délivrer des antidépresseurs " (88).
52. La CNCDH note que, bien que les soignants soient objectivement sous pression, les maltraitances qu'ils subissent sont restées souvent et longtemps invisibles. Les soignants en parlaient entre eux ou à leurs supérieurs " mais aucune trace de ces paroles et leurs plaintes ne vont pas jusqu'à la revendication " (89). Le cas des médecins est significatif. Souvent mise sur un piédestal, la figure du médecin " invincible " est prégnante à la fois chez les patients mais aussi chez les soignants en général. Cette représentation crée une pression psychologique qui les pousse à contenir leurs émotions et à ne pas prendre en compte les difficultés auxquelles ils font face. Les médecins et l'ensemble du personnel soignant sont pourtant confrontés à des événements traumatiques et à la mort, or peu de préparation, d'espaces et de temps de discussion existent pour y faire face sereinement. Plus quotidiennement, les soignants doivent accueillir des patients désagréables et parfois violents, et ont besoin de temps et d'espaces de soutien.
53. La CNCDH rappelle que, pour le moment, la prise en compte du bien-être des soignants reste faible. Comme l'affirment les internes dans l'enquête de santé mentale de 2017, " on nous apprend à soigner, mais pas à prendre soin de nous " (90). Selon cette même enquête, qui portait sur des étudiants de deuxième cycle, des externes et des assistants, " 66 % de cette population souffrirait de troubles anxieux, 27 % de troubles dépressifs, 23 % ont déjà eu des idées suicidaires dont 7 % lors du dernier mois juste avant l'enquête ". Les lignes dédiées à l'écoute et à l'entre-aide des soignants se développent mais les causes réelles de ce malaise restent à analyser. Cette violence se traduit souvent par la " défection " du personnel soignant qui finit par être soit en arrêt maladie pour burn-out, fatigue ou maladie liée au stress au travail, soit face à l'obligation de changer de métier due à des contraintes professionnelles intenables (91). La " défection " peut, dans le pire des cas, aller jusqu'au suicide de personnels de soins. Les chiffres sont accablants : en décembre 2017 l'association Soins aux Professionnels de Santé (SPS) révèle que, d'après une enquête menée sur des médecins, pharmaciens, infirmiers et autres professionnels de santé (92), un quart des 700 soignants interrogés a déjà eu des idées suicidaires du fait de leur travail. En 2016, une cinquantaine de suicides de médecins serait à déplorer (93). Des associations se sont déjà formées (94) pour protéger les professionnels de santé, et les mobilisations sociales de personnels hospitaliers associant de plus en plus de médecins ont pris de l'ampleur. Néanmoins, une véritable action publique est attendue après le rapport du médiateur national Edouard Couty, commandé à la suite du suicide d'un neurochirurgien au CHU de Grenoble en décembre 2017 (95).
54. Le manque de temps pour la communication est aussi un facteur de maltraitance accrue, en partie du fait d'une " volonté d'uniformiser le soin pour répondre au souci de codifier les actes ", en consacrant parfois autant de temps à ces codifications informatiques qu'aux actes eux-mêmes, " les transmissions orales, trop souvent qualifiées de chronophage, sont raccourcies à l'extrême, au mépris de la réflexion clinique, de la théorisation, de l'échange entre professionnels et du questionnement autour de leurs pratiques (…) Ces petites maltraitances imposées tendent à éloigner les soignants des soignés, mais aussi les soignants entre eux, et les laissent dans la plus grande solitude (…) Le déficit de communication, observé aujourd'hui entre les gens du soin (…) constitue un empêchement à marcher dans un sens commun et semble sonner le glas du travail d'équipe " (96).
b) Les aidants, un soutien essentiel mais peu reconnu
55. Souvent peu pris en compte lorsque l'on évoque le système de santé, les aidants, qu'ils soient familiaux ou amicaux, sont des acteurs à part entière dans la prise en charge d'un patient. Ils accompagnent au quotidien la personne qui n'est pas, ou plus, autonome et prennent en charge des missions extrêmement diverses : gestion des dossiers administratifs, coordination des rendez-vous médicaux et de l'arrivée de soignants mais aussi toilette, écoute, ménage… Ce sont ainsi 11 millions de personnes (97) qui sont concernées et qui bénéficient depuis la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement d'un statut défini par le code de l'action sociale et des familles (article L113-1-3) (98). Ce statut leur permet de bénéficier d'aides financières et de dispositifs répondant au besoin de répit. Si cette loi a permis une certaine reconnaissance et un soulagement pour les aidants, la CNCDH estime cependant qu'une protection plus large, et une meilleure reconnaissance de leur savoir, doit être mise en place.
56. Aider un proche est souvent vécu comme une nécessité et celle-ci implique des obligations constantes qui ont des répercussions sur la santé physique et psychique de l'aidant, et influent même sur son propre suivi médical (99). La CNCDH rappelle que 9 aidants sur 10 se disent fatigués moralement (100) et nombre d'entre eux souffrent de troubles du sommeil. Le cas des aidants de personnes vivant à domicile et atteintes de la maladie d'Alzheimer reflète la pression psychologique qui peut s'exercer sur certains puisque 84 % d'entre eux se sentent angoissés par l'avenir (101). Aux troubles psychiques s'ajoutent des problèmes de santé. Ainsi, 8 aidants sur 10 éprouvent une fatigue physique (102). Cet ensemble de pathologies des aidants n'est pas sans présenter également des risques de maltraitances vis-à-vis des personnes aidées à domicile (103). Le volet " aidants informels " des enquêtes Handicap-santé (2008-2009) indique que 48 % des aidants déclarent avoir une maladie chronique (104), et une étude française indique que 32,1 % des aidants auprès de personnes souffrante de la maladie d'Alzheimer ou apparentée ont un risque de malnutrition et que 5,4 % des aidants sont dénutris. (105) Si les risques de maladies augmentent pour les aidants, c'est aussi parce qu'ils manquent de temps pour se soigner : aider un proche peut conduire à reporter ou annuler des soins pourtant nécessaires. Ainsi, 18 % des aidants ont déclaré avoir renoncé à des soins au cours des 12 derniers mois alors même qu'ils en ressentaient le besoin (106).
57. Le rôle d'aidant a bien souvent un impact négatif sur la vie sociale, familiale et professionnelle de la personne concernée (107). En effet, être aidant demande une implication chronophage, qui peut même représenter un véritable travail à plein temps. Cela entraîne un isolement progressif à la fois subi et choisi, car l'aidant doit renoncer à des activités personnelles, à des temps de loisirs et de vie familiale, et même parfois sacrifier son repos. L'inquiétude suscitée par l'état de santé dégradé de la personne accompagnée, à laquelle s'ajoutent le temps de présence ainsi que l'organisation du bon déroulement du quotidien du malade, représente une vraie charge qui affecte la vie de l'aidant, notamment dans sa vie professionnelle et ses ressources financières.
4. Les conséquences de la maltraitance en termes d'effectivité du droit à l'accès aux soins et de coût pour la collectivité
58. Les maltraitances dues aux dysfonctionnements de notre système de santé peuvent avoir des conséquences graves puisqu'un certain nombre de personnes reportent leurs soins, voire y renoncent. Ces reports ou renoncements contribuent à la dégradation de l'état de santé et l'aggravation des pathologies avec probabilité d'apparition de comorbidité élevée. Ce phénomène est devenu un véritable enjeu de santé publique dont les coûts ne sont pas anodins.
59. La CNCDH déplore que des maltraitances puissent être à l'origine du renoncement aux soins chez certains patients. Le traumatisme de paroles déplacées (108), le manque de matériel adapté (109), des injonctions de traitements impossibles à suivre, des reproches en lien avec la méconnaissance de la situation des personnes, ainsi que des actes discriminatoires poussent des patients au renoncement. Au fil de ses auditions, la CNCDH a pris connaissance de la présence de listes " blanches " ou " noires " désignant des soignants ou des établissements plus ou moins bienveillants sur des blogs ou sites internet de différents groupes discriminés (110). Si l'usage de ces listes peut avoir des effets pervers, leur existence témoigne de ce qu'une partie de la population française ressent la nécessité d'une protection officieuse par rapport à notre système de santé et indique que ce problème " invisible " doit être pris en charge par les pouvoirs publics afin que chacun puisse se sentir inclus dans le système de santé.
60. Comme l'indiquent certaines enquêtes (111), le refus de soins pour motif discriminatoire est aussi une maltraitance qui incite les patients à renoncer à leur droit aux soins. Certains connaissent une aggravation de leur problème de santé initial qui est couplée à un sentiment de mise à l'écart par rapport au système de santé national. Le cas des soins gynécologiques des lesbiennes en est symbolique : le taux d'infections sexuellement transmissibles est plus important chez cette population que chez les femmes hétérosexuelles puisqu'elles renoncent aux visites gynécologiques à la suite de refus de soins (112). Les auditions ont aussi mis en évidence la difficulté de prise en charge de patient en cas de difficulté d'expression linguistique et/ou culturelle (113). Les soignants, qui ne sont pas toujours suffisamment formés ou informés n'accueillent pas toujours ces patients de façon adaptée. Ainsi, des problèmes de santé échappent aux soignants et retardent la prise en charge des patients.
61. En dehors des préjudices sur le plan humain et sanitaire, le refus et le report de soins coûtent cher au système de santé. En effet, le recours tardif aux soins engendre un parcours de soins plus complexe et long, un traitement plus coûteux, et un suivi plus contraignant pour le patient lorsqu'il accepte d'être soigné. A cet égard, la volonté exprimée par la ministre des solidarités et de la santé de renforcer la prévention doit se traduire par une meilleure prise en compte des ruptures de soins. La CNCDH considère que cette prévention doit passer par une réconciliation de certains patients avec le système de santé et implique une approche adaptée permettant l'adhésion du patient au projet thérapeutique ainsi que l'obligation de s'assurer de la capacité du patient à mettre en œuvre le traitement proposé (114).
B. - Un système de santé en crise
1. L'oubli de la personne derrière le soin au corps ?
a) Le soin, un art à la croisée du scientifique et de l'humain
62. La médecine scientifique actuelle, hautement technologisée, peut donner l'impression de présupposer que le corps, totalement dissociable de l'esprit, est un objet d'étude scientifique comme un autre, et qu'il n'est pas nécessaire de prendre en compte la psychologie du patient, ni les connaissances empiriques propres qu'il développe sur sa maladie. Cette vision " mécaniste " du corps, qui banalise les actes médicaux non consentis, a une histoire dans la pensée occidentale.
63. Cette mécanisation du corps valorise la connaissance théorique des pathologies, sans accorder de valeur aux connaissances que le patient lui-même peut développer à partir des sensations que son corps lui fait éprouver. Ainsi est-il uniquement attendu de lui qu'il communique ses symptômes, afin que le médecin puisse identifier la pathologie qui en est la cause et lui appliquer unilatéralement un traitement que lui-même aura conçu, en faisant abstraction à la fois des déterminations psychologiques du patient et de ce qu'il peut lui-même apporter au médecin comme information utile à sa guérison. Cette conception est entérinée par le droit : alors même que le code de la santé publique pose le principe de " codécision médicale " prise par le patient grâce aux informations et préconisations du médecin, le juge souligne que, si " toute personne a le droit de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé sous réserve de son consentement libre et éclairé. En revanche, ces mêmes dispositions ni aucune autre ne consacrent, au profit du patient, un droit de choisir son traitement " (115). Le choix d'administrer un traitement plutôt qu'un autre est ainsi dévolu aux médecins, " au vu du bilan qu'il [leur] appartient […] d'effectuer en tenant compte, d'une part, des risques encourus et, d'autre part, du bénéfice escompté ".
64. Une telle logique n'est pas anodine : le patient peut s'estimer dépossédé de son corps, qui devient anonyme, perdu au milieu de tous ceux que le médecin prend en charge dans la journée ; quels que soient l'histoire du patient, son expérience, ses traumatismes, son corps est pour un temps cédé au médecin, comme une horloge est cédée à l'horloger. Cette vision du corps justifie toutes les intrusions dans une intimité qui n'est pas prise en compte par le soignant, sous couvert d'efficacité et de rentabilité. Elle instaure également un type de corps standardisé, duquel on ne peut s'écarter sans s'attirer commentaires ou des reproches. Les logiques de performance (scientifique, économique) et la volonté de faire entrer le patient dans une norme prédéfinie l'emportent alors sur l'humanité du soin, dont l'objectif est avant tout de faire du bien à l'autre. Déjà en 1948, l'Organisation mondiale de la santé définissait la santé comme un " état complet de bien-être physique, mental et social ". Il ne s'agit donc pas seulement de ne pas être malade, mais aussi d'être épanoui. Cet épanouissement dépend non seulement du corps mais aussi de l'esprit et des conditions de vie des individus (116).
65. La dimension humaine et interpersonnelle de la médecine semble occultée actuellement dans le système de santé. Réinvestir cette dimension passe par la co-construction du parcours de soin avec le patient. En effet, il ressort de beaucoup d'auditions effectuées par la CNCDH une difficulté pour certains patients à se faire comprendre par le médecin lorsqu'ils expriment leurs souffrances avec leurs propres mots, notamment si leurs codes et leurs référentiels culturels diffèrent de ceux du soignant, qui représente l'autorité légitime. Dans cette situation, le médecin peut manifester des signes d'impatience (117), et la frustration apparaît entre un soignant qui administre le traitement sans chercher à comprendre, et le soigné qui a l'impression de ne pas avoir été entendu. La co-construction du soin suppose au contraire une certaine empathie de la part du médecin, entendue comme " une faculté intellectuelle qui permet à notre esprit d'utiliser ses connaissances, son imagination et sa sensibilité pour mieux comprendre comment l'autre peut ressentir ce qu'il vit et ce qu'il entend " (118). La relation entre médecin et patient implique en effet la rencontre de deux sensibilités qui doivent échanger pour atteindre un objectif commun : le projet thérapeutique. La reconnaissance de la sensibilité du patient comme une donnée légitime à prendre en compte dans la construction du soin ne semble pas encore suffisamment au rendez-vous, malgré certains efforts fournis dans ce domaine par le personnel soignant depuis quelques années (119).
66. De la même manière que le corps et l'esprit fonctionnent de pair, l'individu ne saurait être séparé du groupe social auquel il appartient. Certains traitements nécessitent parfois des dépenses auxquelles toutes les personnes ne peuvent faire face, en raison précisément de leur situation financière et sociale. Un médecin, faisant remarquer à une de ses patientes qu'il lui faudrait manger plus de viande, finit par apprendre par la patiente, gênée, que ses revenus ne le lui permettent pas. (120) Dans d'autres cas, le médecin ne prend pas assez en compte les instances reconnues légitimes par le patient lui-même, telles que sa famille, des autorités morales ou religieuses (121). Ainsi, trop souvent, le médecin sépare le soin de sa dimension sociale (122).
67. En définitive, la carence majeure du système de santé est que ce dernier est envisagé trop souvent uniquement sous l'angle d'une médecine scientifique, où la dimension humaine et sociale est résiduelle voir absente du prisme du personnel soignant. Le meilleur soin possible étant, pourtant, à la croisée de la science et de l'humain.
b) Des stéréotypes et préjugés encore trop présents
68. En tant qu'être humain, le soignant, comme tout un chacun, peut avoir un certain nombre de stéréotypes et de préjugés, nés du processus de catégorisation qui nous permet de construire notamment notre identité sociale. Or, ces stéréotypes et préjugés peuvent influencer de manière négative sa pratique et entrainer des discriminations si le soignant n'a pas conscience de leur existence et des biais qu'ils entrainent pour la prise en charge médicale.
69. Plusieurs études ont ainsi clairement montré comment les stéréotypes de genre entrainent une prise en charge différente pour les hommes et les femmes. (123) Par exemple, l'infarctus du myocarde reste sous diagnostiqué chez les femmes, car il est considéré comme une maladie " masculine ", typique d'hommes d'âge moyen stressés par leur travail. Les référentiels de prise en charge sont encore trop souvent bâtis sur un modèle masculin, menant à des sous diagnostics chez les femmes. Ainsi, pendant longtemps, mais encore parfois aujourd'hui, les signes de maladies cardiovasculaires ont été basés sur les symptômes ressentis par les hommes, comme la douleur dans la poitrine, menant à un déficit de diagnostic chez les femmes, à une prise en charge plus tardive, et ce alors que les femmes y sont plus vulnérables que les hommes, et que c'est leur première cause de mortalité, bien loin devant le cancer du sein. A l'inverse, la prise en charge de l'ostéoporose est très en retard pour les hommes, la maladie étant réputée féminine : très peu se voient proposer un diagnostic lors d'une fracture de la hanche, pourtant due à l'ostéoporose dans un tiers des cas, alors que c'est systématique pour les femmes.
70. Il est regrettable que la plupart des formations, notamment en médecine, n'offrent pas les outils pour questionner ces préjugés et amener les jeunes soignants à interroger leur pratique. Concrètement, la question de la prise en charge des patients ayant des vulnérabilités spécifiques, et donc particulièrement sujets aux préjugés et discriminations, ne semble presque jamais abordée au cours de la formation initiale. Ceci peut ainsi concerner des personnes vivant avec un handicap, ou/et en situation de pauvreté, ou/et étrangères ou d'origine étrangère, appartenant à certaines minorités sur le sol français, ou/et perçues comme étant en surpoids ne semble presque jamais abordée au cours de la formation initiale. Les professionnels ne sont pas non plus formés au fondamentaux de l'accueil bienveillant et au non- jugement, à la façon de poser des questions de manière non blessante ou trop intrusive, même pour la prise en charge de personnes victimes de violences sexuelles ou de violence conjugale.
71. Les outils pédagogiques se font aussi parfois le relais de préjugés et d'idées fausses. Un cours de l'UPMC (124), datant de 2003, mais toujours en usage en 2018 propose comme cause de vaginisme " l'aversion pour la sexualité normale : il peut s'agir d'une homosexuelle active ", la peur de l'acte sexuel pour des femmes " à la personnalité infantile ", ou bien " l ‘hostilité envers le partenaire " pour les " femmes masculines ". Le fascicule 2015 des ECN, publié par le CNGOF quand il évoque l'endométriose, ne mentionne pas des douleurs chroniques qu'elle engendre, alors que cela a d'importantes répercussions sur la qualité de vie des femmes et qu'un préjugé tenace veut que les femmes soient plus sensibles à la douleur et se plaignent trop. Ce même manuel n'évoque ni la transidentité, ni l'intersexuation, dont la prévalence est pourtant évaluée à 2 % de la population (125).
c) Le poids de la norme sur les corps et les comportements, un frein à l'observance et à la guérison
72. Cette vision mécanique du corps se traduit par une vision restrictive, qui laisse peu de place à la différence. Dès la naissance, une grande importance est accordée aux courbes de croissance, ce qui contribue à accroître l'inquiétude de beaucoup de parents, alors même que ces courbes ne sont qu'une moyenne et qui ne peut donc prendre en compte les spécificités de chacun, comme le mode d'alimentation du nourrisson (allaitement ou biberon) ou les antécédents familiaux. Plus grave, c'est pour les faire rentrer dans une " norme " que l'on opère les nouveau-nés intersexués (126) ". Ces actes chirurgicaux sont réalisés alors même que la HAS constate la fréquence de complications postopératoires des chirurgies génitales (127). Ce poids de la norme sur le corps se retrouve tout au long de la vie, et pèse particulièrement sur celles et ceux qui dévient des standards attendus. De même, l'IMC est certes un indice mais certaines personnes, en raison d'une ossature spécifique, ou de muscles particulièrement développés, ne rentreront jamais dans les " standards " attendus. La Commission regrette l'utilisation systématique de référentiels qui ne sont pas adaptés à toutes et à tous. A minima, il faut donc proposer une analyse plus fine, avec d'autres outils, avant de proposer une prise en charge spécifique.
d) Entre protocoles trop contraignants et absence d'informations, un juste équilibre à trouver
Au-delà des corps, le poids de la norme pèse aussi sur la prise en charge des patients, qui est trop souvent standardisée. Plusieurs auditions de la CNCDH ont démontré combien le poids des protocoles, notamment dans le milieu hospitalier, pouvait être un obstacle à une prise en charge adaptée à la personne. Si le protocole permet souvent d'améliorer les prises en charge, il ne doit pas empêcher les soignants d'adopter une approche plus personnalisée. Paradoxalement, les interlocuteurs de la Commission ont aussi souligné le manque d'informations, ou du moins la mauvaise circulation des informations disponibles. Ainsi, le référentiel de prise en charge de l'autisme est encore méconnu des professionnels et des institutions de santé bien qu'il soit disponible en ligne sur le site de la HAS (128).
e) Les effets contre-productifs de certaines campagnes de prévention
73. Si les actions et campagnes de prévention visent à améliorer la santé publique et à diminuer l'incidence de certains comportements, elles peuvent parfois renforcer le sentiment d'exclusion de certaines personnes, voire de culpabilisation ou d'humiliation, faute de prendre en compte la diversité des personnes, des corps et des environnements dans lesquels les gens vivent. C'est tout particulièrement le cas de leur volet le plus visible, à savoir les campagnes d'affichage ou les spots télévisés (129).
74. La CNCDH regrette que ces campagnes de prévention soient encore souvent conçues sans impliquer les personnes concernées, et sans prendre en considération les conséquences que l'injonction peut engendrer sur certaines catégories de la population. Ainsi, nombre de campagnes contre le surpoids, mais aussi contre le diabète ou certains cancers se focalisent sur une alimentation saine sans considérer les obstacles rencontrés par certaines personnes pour équilibrer leurs repas, notamment chez les plus populations les plus précaires qui sont aussi les plus touchées par ces pathologies. En effet, ces campagnes tendent à stigmatiser les personnes n'appliquant pas les préceptes d'une bonne alimentation, en particulier pour leurs enfants. Mais entre le coût de certains produits, les conditions de vie, le temps, l'équipement et les connaissances nécessaires pour les cuisiner, nombre de personnes sont dans l'incapacité matérielle de les mettre en pratique. Il en est de même des campagnes préconisant l'exercice physique : pour être efficaces, elles doivent s'accompagner de la possibilité d'accéder à une pratique sportive non discriminante et adaptée aux capacités de chacun.
75. Par ailleurs, la CNCDH regrette que certaines campagnes récentes puissent susciter un sentiment de culpabilité chez les patients atteints de certaines pathologies, en les désignant comme responsable de leur maladie. Ainsi la dernière campagne contre le cancer (130) affirme que 40 % des cancers pourraient être évités, mais ne renvoie qu'à des comportements individuels, en omettant de mentionner les facteurs environnementaux comme la pollution, les pesticides ou les perturbateurs endocriniens. Il en est de même pour le surpoids ou le diabète, qui ne sont pas toujours simplement causés par une mauvaise hygiène de vie (131) : des facteurs génétiques, les effets secondaires d'autres traitements, comme les traitements hormonaux, certaines conditions médicales doivent aussi être pris en compte. En ne faisant pas apparaître la diversité des situations, ces campagnes encouragent donc une mauvaise estime de soi chez les patients, et les préjugés dans le reste de la population, soignants inclus.
76. Les actions de prévention doivent être pensées en lien avec la capacité d'accéder aux soins. Les séances de dépistage sont certes prises en charge à 100 %, mais les soins que l'on peut avoir à réaliser en conséquence de cette visite ne le sont pas. Les familles qui n'ont pas les moyens se voient alors culpabilisées et stigmatisées de ne pas pouvoir mieux assurer la santé et celle de leurs enfants. Ainsi, les enfants bénéficient, au cours des six premières années de la vie, de 20 examens obligatoires de prévention, pris en charge à 100 % par l'assurance maladie. Deux de ces examens sont d'ailleurs souvent réalisés à l'école. Néanmoins si, lors de ces visites, des problèmes sont détectés, les soins à réaliser ne bénéficient pas d'une prise en charge spécifique, laissant les familles pauvres désemparées et sujettes aux reproches des soignants : les séances d'orthophonie par exemple ne sont remboursées qu'à 60 %… La CNCDH remarque cependant quelques bonnes initiatives dans ce domaine : le dispositif M'T Dent, qui remplace l'ancien bilan bucco-dentaire (BBD), non seulement instaure des rendez-vous réguliers aux âges les plus exposés au risque carieux : 6, 9, 12, 15 et 18 ans, mais aussi assure la prise en charge à 100 %, sans avance de frais, des soins prévus à la suite de ce rendez-vous.
2. Des soignants en difficulté
a) L'hôpital : une hiérarchie parfois pesante et une compétition permanente
77. Les conditions de travail des personnels en milieu hospitalier sont souvent aggravées par le poids de la hiérarchie et par un sexisme encore présent. Dans le lieu même où le soin et l'humain doivent être au cœur de la pratique, l'hôpital devrait être exemplaire sur la question de la santé et du bien-être au travail. Le milieu hospitalier est dans son ensemble soumis à des formes de hiérarchie et d'encadrement qui se révèlent complexes et multiples. Cette hiérarchie a tendance à séparer le médical des fonctions supports, entretient un clivage entre médecins et personnels paramédicaux, mais aussi entre spécialités (132) et entre spécialistes eux-mêmes.
78. Dans l'imaginaire commun, le médecin bénéficie d'un statut valorisé. Ce postulat de supériorité permet des dérives comportementales au sein des services et des abus de pouvoir. Dans la pratique, lorsqu'un médecin se montre caractériel, on suppose qu'il est brillant (133). A l'inverse, alors que le travail d'équipe est primordial pour le bon fonctionnement d'un service, le personnel soignant ne bénéficie pas toujours de la reconnaissance qui lui est due et souffre d'un déficit de communication. Ainsi, la parole des infirmiers ou aides-soignants est parfois sous-estimée. De même, le clivage souvent observé entre personnel médical et personnel administratif contribue à nier l'importance de la communication entre ces deux secteurs d'activités pour l'amélioration et la continuité de l'offre de soins (134).
79. Le système de santé est encore marqué par des comportements paternalistes et sexistes, qui freinent la carrière des femmes et peuvent les oppresser au quotidien, alors que 77 % des salariés de la fonction publique hospitalière sont des femmes. Cet état d'esprit est inculqué dès la formation des médecins (135). Il s'exprime lors du bizutage des jeunes internes par une culture valorisant la virilité (136). Chez les internes, outre des propos sexistes fréquents, des chantages au poste peuvent expliquer que certaines internes ne dénoncent pas les pratiques de harcèlement sexuel dont elles sont victimes (137). Selon une étude publiée le 17 novembre 2017 par l'intersyndicale nationale des internes (138), plus de 60 % des internes femmes interrogées se déclarent victimes de sexisme et 6,6 % de harcèlement sexuel et seuls 0,15 % des cas de harcèlement sexuel ont donné lieu à une suite judiciaire (139). Cette inégalité est confortée par des inégalités professionnelles au sein des hôpitaux. Selon une enquête sur les salaires dans la fonction publique hospitalière produite par l'INSEE en 2014 (140), les femmes gagnent moins que les hommes dans la fonction publique hospitalière, car elles représentent 47 % des médecins et elles sont 88 % chez les aides-soignants.
80. Cette ambiance sexiste se caractérise aussi par une surenchère de la masculinité. Ces derniers ne doivent pas être considérés comme sensibles et sentent une pression invisible qui les pousse à ne pas exprimer leurs sentiments, alors même qu'ils font face à des situations parfois très difficiles à gérer psychologiquement (141). Cela contribue à la pression du travail et au mal être de certains. De même, elle explique en partie la prégnance de propos et d'actes LGBTphobes (142), puisque dans cette vision de la société les homosexuels sont vus comme déviant de la " norme " virile. Ce climat pèse à la fois sur les soignants concernés, mais entraine aussi une mauvaise prise en charge de certains patients, faute notamment d'avoir pris en compte leur orientation sexuelle. On note aussi un manque de prise en compte de l'existence de différentes sexualités au sein d'une formation pourtant fondée sur la prise en charge de l'humain (143).
b) La responsabilité, une notion mal connue et incomprise
81. Une autre pression pesant sur le personnel soignant est liée au sentiment de responsabilité qu'il éprouve envers son patient. Or, faute de formation, le praticien ne dispose pas d'une claire évaluation de la portée juridique de sa responsabilité. Le poids du sentiment de responsabilité, combiné avec la méconnaissance de l'exacte situation juridique, altère la qualité de la prise en charge et préjudicie notamment au respect de la libre décision du patient. La CNCDH a pris connaissance de situations marquées par un manque de consentement des patients, ou par des prises de décisions intrusives de la part des soignants. Les équipes soignantes ne savent pas toujours séparer considérations morales et précautions juridiques. Connaissant mal leur responsabilité civile et pénale, les soignants redoutent les poursuites et préfèrent interdire certains comportements jugés à risque.
82. La responsabilité civile et pénale est peu enseignée. Les médecins se basent donc souvent sur les informations transmises par le biais de formations continues d'assurances professionnelles privées qui manquent de neutralité et incitent le soignant à se protéger de façon démesurée, aux dépens parfois des droits des patients. Le personnel soignant a besoin d'être mieux informé sur ses droits et obligations professionnelles dès sa formation initiale. De même, l'université ne dispense qu'une formation superficielle sur le consentement du patient. Il ressort de l'audition de l'ISNI que, bien que l'importance du consentement soit régulièrement rappelée au cours des études de médecine, la démarche pour recueillir ce consentement est peu enseignée. Cette approche, trop abstraite ne se fonde pas suffisamment sur la compréhension du patient et sur la relation " dialogique " entre soignants et soignés, éclairée par la connaissance respective de son exacte situation en droit.
c) Des dispositifs de soins non adaptés
83. Une autre cause de souffrance pour les soignants et les patients provient du manque de dispositifs ou d'infrastructures adaptés à certains patients, obligeant les soignants à des gestes complexes et empêchant les patients de bénéficier de soins dans de bonnes conditions.
84. Il a été rapporté à la CNCDH que nombre de structures de soins restent inadaptés pour les personnes en situation de handicap comme pour les personnes obèses. Malgré la loi de 2005, les lieux de soins restent peu accessibles (144). L'état des lieux de 2016 sur les territoires dépendant de la métropole de Lyon et du département du Rhône démontre que " le dispositif de soin de droit commun ne permettait pas d'accueillir des personnes handicapées pour qu'elles se fassent soigner dans de bonnes conditions " (145) . Nombre de lieux de soins ne sont pas accessibles aux personnes en fauteuil roulant, et ne disposent pas de tables d'examen adaptées. Dans les salles d'attente, les fauteuils avec accoudoirs posent problème et la plupart des services de soins ne disposent que de fauteuils roulants de taille standard. De plus, les lits, les balances et les tensiomètres sont trop petits ou mal adaptés et renvoient les patients en surpoids à un sentiment d'humiliation et d'inadaptation envers le milieu médical (146). Faute d'IRM adaptée, les personnes obèses peuvent ainsi être orientées vers des cliniques vétérinaires, dans lesquelles elles affrontent une double souffrance, psychologique et médicale, le matériel étant moins précis (147).
85. Le manque de matériel adapté aggrave les risques de stigmatisation et impliquent des retards de prise en charge qui peuvent se révéler médicalement préjudiciables. Comme le témoigne un soignant, " Une fois, une personne était tellement grosse qu'on ne l'a pas lavée ni tournée pendant dix jours. On n'était pas assez nombreux, le matériel n'était pas fait pour "(148). Le manque de moyens matériels et humains peut entraîner le développement d'infections ou de problèmes annexes (149). Les soignants, qui se sentent démunis par le manque de moyens, en deviennent parfois désagréables envers le patient. Ce déficit de matériel entraine également des erreurs médicales et des soignants mentionnent la conception juridique de la " perte de chance " (150) pour la guérison voire la survie de ces patients qui sortent de la norme. La CNCDH déplore le manque d'information et de réorientation vers d'autres établissements en capacité de prendre en charge ces personnes. Aucune cartographie des établissements de santé permettant de prendre en charge dans de bonnes conditions les patients en surpoids ou en situation de handicap ne semble être disponible à ce jour et entraîne des retards de prise en charge (151).
3. Les limites de l'organisation actuelle du système de santé
a) Une organisation productiviste
86 Le système de santé, et en particulier l'hôpital public est de plus en plus comparé à une entreprise et soumis à des exigences de rentabilité, selon une vision productiviste au détriment des droits des patients et de la qualité de travail des soignants. Les services hospitaliers s'organisent selon une division du travail et sont évalués par secteurs de soins, sous une forme trop normée ne prenant pas suffisamment en compte la réalité des besoins des patients. Au sein des EHPAD, l'ARS et le Conseil départemental systématisent souvent les fiches de postes heurées par catégorie socio-professionnelle. Ces établissements créent aussi une organisation du travail en définissant des tâches à accomplir quotidiennement en mesurant la charge de travail qui incombe à chacun. Ainsi, il existe des indicateurs d'activités qui sont le taux d'occupation et le taux de rotation et des indicateurs de charge en soins.
87. Cette organisation a des incidences directes sur l'accueil et le soin. D'une part, par la pression qu'elle fait porter aux soignants, elle cause des désorganisations dans les services avec la multiplication d'arrêt maladies ou un important turn-over qui affecte la qualité des soins. D'autre part, elle justifie une rationalisation des actes de façon à les rendre les plus rentables possibles, au détriment des besoins humains. L'exemple des services de maternité est particulièrement parlant (152). Dans la même logique comptable de spécialisation des tâches et des services, on a organisé l'hôpital pour la prise en charge des pathologies aigues. Mais cette structuration, combinée au vieillissement de la population, aux déserts médicaux, aux services parfois coûteux de la médecine de ville, à la réduction de nombre de consultations hospitalières et à la fermeture de lits, conduit à une saturation des urgences. Faute de professionnels de santé disponibles en libéral, notamment le soir et le week-end, nombre de patients sont contraints de se rendre aux urgences. En dix ans, ont été fermés 100 000 lits d'hospitalisation, tandis que le nombre de patients se présentant aux urgences a doublé, passant de 10 à 20 millions par an (153). Selon Samu-Urgences de France, la surcharge des services d'urgences observées en février-mars 2018, qui a conduit des dizaines de milliers de patients à dormir sur des brancards, serait responsable d'une augmentation de la mortalité de 9 % pour tous les patients, et de 30 % pour les patients les plus graves (154). Pour que les services d'urgence restent performants, le président de l'AMUF déclare qu'ils doivent être redimensionnés et adaptés à la situation actuelle en rappelant que rien que pour les centres d'appels des SAMU, leur configuration était prévue pour 1 à 2 millions alors qu'ils reçoivent aujourd'hui 30 millions d'appels (155).
b) Une réduction des dépenses de santé qui coûte cher
88. Chaque année, dans le cadre du vote de la loi de Finance de la sécurité sociale, l'Assemblée nationale vote un indicateur de dépenses, l'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM), à ne pas dépasser pour les soins de ville, les hospitalisations et le médico-social. Comme l'objectif est de limiter les dépenses de santé, cet indicateur est sous-évalué par rapport à la croissance prévisible : alors que celle-ci se situe autour de 4 %, l'ONDAM 2017 est en hausse de 2,1 %, celui de 2016 de 1,75 % (156), de 2 % en 2015. Pour respecter cet objectif, compte tenu entre autre de l'inflation et du vieillissement de la population, il faut chaque année trouver quelques milliards d'euros à économiser, notamment dans le budget des hôpitaux, ce qui conduit à de nombreuses suppressions de postes et à une dégradation des conditions de travail (157).
89. Ce phénomène est aggravé par le mode de financement adopté par le plan hôpital 2007, la tarification à l'activité (dite T2A) mise en œuvre à partir de 2004-2005 en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). Par rapport à l'ancien " budget global " les avantages et effets pervers de la T2A ont été analysés dès l'origine (158). Son principal défaut est de financer les dépenses à partir d'un coût pré-défini par pathologie et non en fonction de la réalité du coût qui peut être très différente par personne hospitalisée selon ses antécédents médicaux, son âge, sa situation sociale… pour une même pathologie et qui influeront sur sa durée de séjour. Le principal effet pervers pour l'hospitalisé (et pour les équipes soignantes qui subiront la pression managériale si la norme n'est pas respectée) est que ce système encourage les gestionnaires de chaque établissement à éviter d'accueillir ce que certains appellent les " patates chaudes " ou de s'en débarrasser très vite. Cela touche les personnes qui, pour la même pathologie, peuvent être amenées à nécessiter des soins de plus longue durée (personnes âgées, poly-pathologie, HTA, diabétiques… tous facteurs de cicatrisation, récupération moins rapides en post-opératoire notamment), ce que savent généralement mieux faire les établissements privés à but lucratif en les réorientant sous divers prétextes vers un établissement public… En utilisant l'intégralité de la dotation dédiée, l'établissement contribue à aggraver le déficit de la sécurité sociale.
90. Aujourd'hui, dès l'entrée d'un patient à l'hôpital, les médecins codent le séjour du patient de sorte qu'il soit classé dans le " groupe homogène de malades " (GHM) le plus rémunérateur pour l'établissement. Une logique de " production " et de " gestion " de soins s'impose alors. Ce système promeut la prise en compte de la rentabilité pour l'établissement au détriment de de l'intérêt du patient. Plus de prévention et une prise en charge plus globale du patient pourrait pourtant permettre des économies à l'Etat. A l'inverse, la T2A incite à privilégier les pratiques les plus rentables pour l'établissement, qui sont souvent les plus couteuses pour la Sécurité sociale, " au détriment d'innovations thérapeutiques pouvant bénéficier au patient et dont le coût global, tous épisodes de soins compris, est probablement inférieur " (159). Afin d'assurer suffisamment de moyens à l'établissement dans lequel le soignant travaille, des soins orientés en fonction de besoins de rentabilité peuvent être constatés. Deux phénomènes s'opèrent alors : la surmédicalisation et l'orientation des soins vers les actes les plus rémunérateurs, avec une durée de séjour la plus réduite possible (autant que possible en dessous du seuil dit durée moyenne de séjour), pouvant être au détriment de l'évaluation de la pertinence des actes et de la réflexion d'un médecin, par exemple en provoquant une sortie d'hospitalisation anticipée au risque d'une ré-hospitalisation ultérieure, qui permet une, nouvelle cotation et une durée de séjour remise à zéro).
91. La tarification à l'acte pose également problème en termes d'égalité d'accès aux soins. Car si " le principe éthique inscrit dans le Code de déontologie est " le juste soin au juste coût " : s'il est inéthique de ne pas soigner un patient en fonction de ses besoins, il est également inéthique de gaspiller les deniers publics confiés par les citoyens aux médecins. Contrairement au reste de l'activité économique, en médecine, l'inutile n'est pas éthique. La raison en est simple : ce qui est gaspillé par les uns sera enlevé aux autres ". (160)
c) Des initiatives innovantes
92. Malgré ce contexte difficile, les auditions conduites par la CNCDH, ont permis de mettre en lumière un certain nombre de bonnes pratiques : des soignants, des collectivités territoriales, des associations réussissent à mettre l'humain au cœur de l'organisation de leur structure médicale et à penser des initiatives innovantes.
93. Deux exemples issus des auditions de la CNCDH prouvent que certaines prises en charge innovantes mettent plus que d'autres la personne soignée au centre du soin. Le centre de santé associatif la Place Santé, comme le Centre régional douleur et soins somatiques en santé mentale, autisme, polyhandicap et handicap génétique rare, adapte la prise en charge de leurs patients que ce soit en termes de moyens, de communications ou de conditions d'accueil. Ils montrent aussi combien il est important d'accorder plus de temps à chacun aux consultations. Par ailleurs, on remarque que l'utilisation de temps de réflexion et de coordination permet d'être plus efficace lors de l'accueil des patients. S'il est vrai que ces expériences peuvent servir de modèle, la question de leur pérennisation et de leur duplication se pose puisqu'on constate qu'elles relèvent avant tout de la volonté d'individus plutôt que d'une logique collective impulsée et soutenue par les pouvoirs publics.
94. La CNCDH constate par ailleurs que les soignants et les établissements qui veulent accorder plus de place à l'humain se trouvent trop souvent confrontés à des problèmes de budget. Ces derniers doivent de façon récurrente consacrer du temps à des démarches administratives ou de recherche de fonds, voire mobiliser leurs propres fonds et faire des démarches de communication pour mettre en valeur leur projet, et ce, bénévolement, en sus de travail médical. Le montage de dossiers financiers demande du temps et des qualités de gestionnaire, à quoi s'ajoute la nécessité de se faire connaître et d'avoir un réseau permettant de soutenir son projet. Lorsque les financements sont attribués, cela se fait bien souvent dans le cadre de niches spécifiques (comme pour le plan autisme) ou pour de courtes durées (d'une ou plusieurs années, renouvelables ou non) ce qui suppose un renouvellement fréquent de démarches lourdes. L'obtention de soutien financier pour un projet innovant est difficile (161). Didier Ménard précise par exemple que pour créer le centre de santé communautaire de Saint Denis, il a été davantage soutenu par la politique de la ville que par le ministère des solidarités et de la santé.
95. Si l'optimisation du fonctionnement du secteur hospitalier est indispensable pour sauver l'hôpital public, la recherche de l'innovation est incontournable. L'enjeu principal est d'arriver à améliorer l'accueil et la prise en charge des patients dans un contexte budgétaire contraint. L'hôpital public souffre trop souvent d'une organisation défectueuse, cloisonnée, et de systèmes hiérarchiques qui opposent médecins, personnels soignants et administratifs. Si la création de pôles en 2005 regroupant plusieurs services sous la responsabilité élargie de médecins est considérée comme une avancée, il n'en demeure pas moins que le système est perfectible en matière de gestion.
II. - REPENSER LE SYSTÈME DE SANTÉ AVEC ET POUR LES USAGERS ET LES PROFESSIONNELS AFIN DE GÉNÉRALISER LA BIENTRAITANCE
A. - Repenser le système de santé pour garantir les droits de toutes et tous
1. Sortir d'une logique économique pour favoriser une approche respectueuse des droits des personnes
a) Adapter les budgets aux besoins de santé de la population
96. L'accès aux soins pour tous, sans discrimination, est un droit garanti par le code de la Santé publique (articles L1110-1 et L1110-3). Pourtant, en pratique, de nombreuses personnes souffrent de difficultés d'accès au système de santé. Pour garantir ce droit fondamental et permettre à toute la population de bénéficier de soins d'égale qualité, la CNCDH encourage les pouvoirs publics à sortir d'une approche comptable et à favoriser une approche fondée sur le respect des droits. Il en va de même pour le respect de la dignité des personnes dépendantes. Pour cela, l'Etat doit financer le système de santé à hauteur des besoins de la population et non en se basant sur les prévisions de croissance. Il faut bien sûr encourager la bonne gestion des finances publiques en matière de santé, et des économies sont possibles, mais permettre à toutes et à tous de bénéficier d'un accompagnement et de soins bienveillants et de vieillir dans la dignité ne peut se faire sans un effort d'investissement de la part des pouvoirs publics.
Recommandation n° 1 : La Commission recommande d'aligner chaque année le plafond de l'ONDAM (Objectif national de dépenses d'assurance maladie) sur les prévisions de croissance " naturelle " des dépenses de santé (environ 4 %) et d'abandonner le principe de " tarification à l'activité " qui favorise paradoxalement la concurrence entre les établissements et l'accroissement des dépenses.
b) Mettre en place une véritable politique de santé publique pour lutter contre la maltraitance, la discrimination et les refus de soins.
97. La CNCDH demande tout d'abord que la lutte contre la maltraitance soit véritablement prise en compte dans la réforme en cours, qu'elle fasse partie des objectifs de la Stratégie nationale de santé, et fasse l'objet d'un plan de lutte spécifique. Ce plan de lutte devrait s'appuyer sur une collaboration interministérielle, rassemblant le Ministère des Solidarités et de la Santé, mais aussi la Secrétariat d'Etat chargée des Personnes handicapées, celui en charge de l'Egalité entre les femmes et les hommes, le ministère de l'Education nationale, celui de l'Enseignement supérieur, celui en charge de la Transition écologique et solidaire et celui de la Cohésion des territoires.
98. Actuellement, la maltraitance reste trop souvent un non sujet institutionnel et, quand elle est abordée, ce n'est que sous des angles très spécifiques : violences obstétricales ou accueil des personnes âgées dépendantes. Afin de prendre conscience de sa dimension structurelle la constitution d'une documentation est nécessaire. La CNCDH invite donc les pouvoirs publics à encourager la recherche et les études sur cette question et à développer des outils statistiques fondés sur une définition commune et des indicateurs quantitatifs et qualitatifs permettant de mieux l'appréhender. La question de la maltraitance et des discriminations doit notamment être abordée dans les questionnaires portant sur les causes de renoncement ou de retard de soins, qui se limitent généralement aux motifs financiers et géographiques.
99. Enfin, la CNCDH conseille que la bientraitance et la mise en place de programmes visant à améliorer la prise en charge globale des patients fassent partie des critères d'évaluation des établissements de santé, via notamment des enquêtes menées auprès de la patientèle par la Haute Autorité de Santé. Une expérimentation d'attribution d'aides spécifiques, ou de bonus/malus pourrait être menée auprès d'établissements pilotes pour encourager la généralisation de la bientraitance. La Commission souhaite cependant attirer l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité de mise en place de pratiques bienveillantes dans tous les établissements de santé : la bienveillance n'est pas une option, ou un label qui serait attribué à quelques établissements et ne bénéficierait qu'à certains patients privilégiés. Il importe ainsi d'évaluer en continu l'impact des évolutions du système de santé sur les populations les plus discriminées, et notamment les plus pauvres.
Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande d'initier une collecte de données et de procéder à une évaluation tant quantitative que qualitative de l'ensemble des actes de maltraitance, envers les soignants et patients et la création d'indicateurs spécifiques pour mesurer l'étendue de ces actes.
Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande la mise en place d'une politique publique de lutte contre les maltraitances dans le système de santé, pilotée en concertation avec les différents ministères et institutions concernées, et appuyée sur l'évaluation systématique de l'impact des réformes sur les plus pauvres et les plus discriminés.
c) Mettre en place des recours effectifs contre les abus pour renforcer la confiance entre les soignants et les soignés
100. La Commission souligne la nécessité de mettre en place des circuits d'alerte bien identifiés, avec un suivi des signalements et un accompagnement des victimes et des auteurs. Il importe aussi de soutenir le positionnement des professionnels bienveillants, de conforter leurs réflexions éthiques et de les outiller pour prévenir et réagir à des comportements maltraitants.
101. La CNCDH salue le mécanisme de contrôle supplémentaire qu'introduit la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement. Ce mécanisme explicite le devoir qui incombe aux responsables d'établissements médico-sociaux de signaler tout dysfonctionnement susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité d'une personne hébergée. De cette manière, le personnel encadrant des établissements est tenu plus clairement responsable des gestes de l'ensemble des agents de la structure et plus attentif à ce que la formation et la sensibilisation aux droits de la personne soient appuyées.
102. Comme l'avait évoqué la CNCDH dans son Avis sur l'effectivité des droits des personnes âgées du 27 juin 2013, les cas de maltraitance en milieu médico-social ont gagné en visibilité à la faveur du " papy boom " et du faisceau de problématiques qu'il emporte. Les personnes âgées, du fait de leur poids démographique, focalisent la discussion portant sur le consentement et la bientraitance. Il conviendrait également de porter à l'attention du public le cas des personnes en situation de dépendance en raison d'un handicap, qui sont également concernées par ces problématiques.
103. Le droit pénal peine à saisir les situations de maltraitances liées à l'organisation d'un service et à une insuffisance de personnels qualifiés. Celles-ci sont rarement constitutives de violences. Faute de médecins disponibles, ce sont les infirmiers qui assurent des missions qui ne leur incombent pas, eux-mêmes suppléés par les aides-soignants et en fin de chaîne les brancardiers qui vont au-delà de leurs prérogatives, cette dérive épuisant toute la chaîne des personnels et générant des dysfonctionnements au détriment du bien être des personnes et des soins à leur apporter. Ce vide juridique a été souligné par la Rapporteure spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées qui a mené en octobre 2017 une visite officielle en France.
Recommandation n° 4 : Pour les cas ne relevant pas de la justice, la CNCDH recommande la création d'une commission paritaire patients-soignants en charge de la médiation et de la sanction des professionnels de santé impliqués dans les cas de manquement à l'éthique.
d) Améliorer l'accès au soin des personnes les plus vulnérables
104. Les personnes les plus fragiles économiquement et les plus isolées socialement rencontrent des difficultés particulières d'accès aux soins, alors même que les pathologies les plus graves sont surreprésentées dans cette population et trouvent leur origine en amont du soin, dans ses conditions de vie et de travail. C'est pourquoi la CNCDH encourage les pouvoirs publics à lutter activement contre les discriminations administratives et les différences de traitement qu'elles rencontrent. Pour cela, la Commission conseille la création d'une protection maladie effectivement universelle (PUMA) en fusionnant l'AME et la CMU-C. Cette demande, déjà effectuée par de nombreuses associations et plusieurs institutions (162) éviterait une différentiation dans la prise en charge des personnes étrangères qui bénéficient aujourd'hui de l'AME. La Commission estime qu'une fusion de l'AME avec la CMU-C simplifierait aussi la gestion administrative des dossiers et " limiterait grandement les coûts de gestion de deux dispositifs parallèles, consoliderait le droit à la santé pour tous et éviterait une approche stigmatisante et des démarches contraignantes pour les plus précaires et les étrangers. Ils bénéficieraient ainsi d'une carte vitale, ce qui faciliterait le travail des caisses d'assurance maladie ainsi que des professionnels du secteur médico-social " (163).
105. La CNCDH recommande aussi la création d'une carte vitale unique évitant la discrimination administrative des patients relevant de la CMU-C ou de l'AME. Comme l'ont rappelé plusieurs témoignages, dont celui du Conseil national de l'Ordre des médecins (164), l'attestation papier peut être la source de difficultés d'accès aux soins. Enfin, la Commission regrette que l'article L861-5 du code de la sécurité sociale ne soit pas appliqué : alors que le code précise " Lorsque la situation du demandeur l'exige, le bénéfice de la protection complémentaire en matière de santé est attribué au premier jour du mois de dépôt de la demande ", dans les faits il est impossible d'obtenir cette ouverture de droits sans attendre un délai d'un ou deux mois (165), ce qui peut provoquer de grave obstacles à une prise en charge médicale urgente.
Recommandation n° 5 : Au regard des discriminations, des difficultés d'accès aux soins dont sont victimes les populations les plus vulnérables, la CNCDH recommande la création d'une protection maladie effectivement universelle, en fusionnant l'Aide Médicale d'Etat et la Couverture Maladie Universelle, sans droit d'entrée et intégrée au régime général de la sécurité sociale, qui puisse être délivrée en urgence au guichet de la caisse d'assurance maladie et qui garantisse au médecin un paiement rapide des soins effectués. Pour faciliter les démarches, il conviendrait d'ouvrir aux bénéficiaires des minima sociaux un accès automatique à la CMU-C.
106. De plus, pour favoriser l'accès aux soins des personnes les plus éloignées du système de santé, la Commission recommande d'adapter les dispositifs d'accueil et de prise en charge. Pour cela, elle incite les pouvoirs publics à développer le modèle des Permanences d'Accès aux Soins de Santé (PASS) qui propose un accueil inconditionnel et un accompagnement des personnes (166), en articulation avec le service public hospitaliser, même sans couverture sociale, et à veiller au bon maillage du territoire par ces permanences. Ces permanences peuvent servir d'exemple en ce qu'elles favorisent la prise en charge de tous les patients, sans distinction, avec une approche globale, s'inscrivant dans un parcours de vie. De plus, la Commission soutient la création de PASS mobiles, pour aller directement au contact des populations les plus fragiles. Cependant, s'il est vrai que les PASS ont un rôle essentiel dans l'intégration de certaines personnes dans notre système de santé, elles doivent rester des relais qui conduisent le patient vers le système général et non un service spécifique pour les pauvres qui amortirait les politiques d'exclusion ou pallierait les inégalités de santé.
Recommandation n° 6 : La Commission recommande la mise en place de PASS dotées d'une véritable équipe d'accueil, comprenant a minima médecin, infirmier et aide-soignant, accompagnés d'un travailleur social voire d'un interprète ou d'un médiateur et d'un secrétariat médical, en lien avec un dispositif de soins dentaires dans tous les Centre Hospitalo-Universitaires. Elle encourage aussi le développement des PASS mobiles et des PASS Santé mentale. Consciente du coût de cette mise en place, la CNCDH insiste sur les économies qu'elle induirait via une amélioration considérable de la prévention.
e) Garantir l'accès aux traitements médicamenteux et leur disponibilité
107. Le droit aux soins implique de garantir l'accès aux médicaments. Or, celui-ci peut être menacé dans un contexte de très forte augmentation du coût du médicament et notamment du médicament innovant au point d'entraîner parfois un rationnement (167). Pour améliorer l'accessibilité au traitement et permettre des négociations et des arbitrages plus transparents la CNCDH rappelle, comme le préconise un rapport remis par le CESE (168), la nécessité d'assurer le principe de représentation des associations agréées dans les conseils de régulation. De plus, la CNCDH encourage les pouvoirs publics à utiliser la licence d'office (169) chaque fois que nécessaire pour s'approvisionner en médicaments génériques ou pour limiter le prix de médicaments innovants dans l'intérêt de la santé publique.
108. Indépendamment de leur coût, la question de la disponibilité des traitements peut se poser de façon cruciale, notamment pour les médicaments considérés comme vitaux et pour les médicaments plus anciens, en raison de conditions d'organisation du marché de la production pharmaceutique. La CNCDH demande donc aux pouvoirs publics d'étudier des solutions afin de garantir un stock minimum pour les médicaments vitaux de façon à éviter les cas de pénurie.
Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande au gouvernement d'utiliser la licence d'office et de fixer seul le prix du médicament, en confiant la fabrication à un service public si défection de l'industrie pharmaceutique privée pour garantir l'accès aux traitements.
Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande la création d'une institution spécifique chargée de développer la recherche sur la santé des femmes, ou a minima d'un institut thématique spécifique au sein de l'Inserm, à l‘image de l'Office of Research on Women's Health créé en 1990 aux Etats-Unis et des programmes similaires existant en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas.
Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande que pour bénéficier de financements publics et de l'Autorisation de Mise sur le Marché les études cliniques aux trois étapes portent à parité sur les femmes et les hommes, et que diverses corpulences soient représentées, comme c'est le cas aux Etats-Unis pour les études financés par les National Institues of Health.
f) Développer une vraie politique publique de prévention : un changement de paradigme
109. Assurer la protection de la santé à toute la population, c'est aussi garantir leur accès aux actions de prévention. La CNCDH salue l'engagement du ministère de la santé de remettre les actions de prévention au cœur de notre système de santé. En effet, notre système de santé est trop centré sur les stratégies curatives au détriment des actions de prévention et d'éducation à la santé.
110. Par ailleurs, la CNCDH rappelle que la prévention, c'est avant tout s'assurer que tous les citoyens ont accès à l'ensemble des droits fondamentaux, indivisibles et interdépendants. Les politiques de prévention doivent aussi prendre en compte les déterminants de santé (170) en particulier sociaux et environnementaux, agissant dans le cadre de la politique interministérielle de réduction des risques et encourageant le développement de la recherche publique, en particulier sous l'égide de l'Agence nationale de santé publique France, en lien avec les associations et équipes spécialisées dans la défense de l'environnement et de la santé.
Recommandation n° 10 : Afin de mettre en œuvre des programmes de prévention pertinents, la CNCDH recommande leur élaboration en collaboration avec les associations d'usagers du système de santé et les personnes ciblées en prenant en compte l'ensemble des déterminants sociaux et environnementaux de la santé. Soucieuse d'efficacité, elle recommande que le langage des campagnes de masse soit respectueux de toutes les personnes.
Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande d'adopter une approche participative permettant de renforcer l'adhésion du patient aux conseils de prévention, au projet thérapeutique, et de s'assurer de sa capacité à le mettre en œuvre.
2. Mettre en place une véritable démocratie sanitaire
a) Respecter la volonté des patients en garantissant l'information et le consentement
111. La loi Kouchner de 2002 a mis en place les bases de la démocratie sanitaire, en reconnaissant le rôle des usagers du système de santé, avec le concept de " patient usager " et en consacrant le droit des patients à accéder à leur dossier médical et participer activement aux décisions thérapeutiques les concernant. Cependant, plus de 15 ans après, certaines dispositions de cette loi ne sont pas toujours respectées en pratique et les patients connaissent souvent mal leurs droits.
112. La CNCDH souhaite attirer l'attention des pouvoirs publics sur la notion de consentement " libre et éclairé ". En effet, si le consentement est généralement recherché, pour être effectif, il implique non seulement l'information, mais aussi la compréhension par le patient de tous les éléments transmis. Pour que cela puisse être mis en œuvre, il importe donc que les annonces de diagnostic soient faites dans un cadre adapté, comme le rappelle, entre autre la HAS (171) : cette annonce doit être préparée et adaptée à chaque patient et à sa situation personnelle, elle doit se faire dans un lieu approprié, garantissant calme et confidentialité, en consacrant le temps nécessaire à la présentation des différentes options thérapeutiques et leurs conséquences. En cas de difficulté de communication, la CNCDH préconise la présence de médiateurs, qui faciliteront l'adaptation du discours médical dans la langue et la culture du patient et permettront de guider le soignant vers une prise en charge adaptée prenant en compte les conditions d'existence du patient (habitat, structure familiale, difficultés d'emploi…). Suite à ses auditions, la CNCDH constate qu'il est nécessaire d'encourager un emploi élargi d'entretiens permettant l'élaboration de projets thérapeutiques mais préparant aussi à des évènements importants de la vie, comme les projets de naissance par exemple. Ce type de rencontre permet de renforcer un lien horizontal entre soignants et soignés et de réaffirmer le principe de codécision nécessaire à toute prise en charge médicale.
113. La Commission rappelle aussi l'importance de respecter le consentement des personnes vulnérables, qui est trop souvent contourné (172) et ses recommandations de mise en place d'une procédure spécifique pour le recueil de leur consentement, de développement de la formation des soignants sur ces sujets, et de l'information du grand public sur la fonction de personne de confiance, les directives anticipées et le mandat de protection future. La CNCDH appelle aussi l'attention sur la recherche du consentement des personnes ayant un handicap intellectuel. Elle doit faire l'objet d'un accompagnement particulier des patients reposant sur une formation des soignants à l'usage des techniques de communication appropriées, telles que les pictogrammes, les images, le français facile à lire et à comprendre, etc. Enfin, concernant les mineurs, la Commission recommande de différer les traitements et chirurgies aux conséquences importantes sur la qualité de vie lorsqu'il n'y a pas d'urgence vitale.
114. La CNCDH rappelle aussi qu'il est essentiel de mieux informer les médecins. En ayant une vision claire de leur responsabilité ils pourront donner des conseils en fonction de leur patient plutôt que de les formuler par crainte d'une potentielle mise en cause civile ou pénale. Le principe de codécision médicale ainsi que les limites de la responsabilité du médecin doivent être rappelés dans le cadre d'une formation continue des médecins. Pour mémoire, la HAS caractérise la codécision médicale selon les trois principes suivants (173) :
- le professionnel de santé et le patient partagent de manière bilatérale une information médicale, notamment les éléments de preuve scientifique ;
- le patient reçoit le soutien nécessaire pour envisager les différentes options possibles et exprimer ses préférences. Ces options peuvent être du domaine de la prévention, du diagnostic ou du traitement, et comprennent l'option de ne pas agir ;
- un choix éclairé entre les différentes options est effectué et accepté mutuellement par le patient et les professionnels de santé.
115. Enfin, pour garantir l'effectivité des dispositions législatives, la Commission demande le développement de l'information sur les droits des patients. Une affichette rappelant ces droits devrait être disposée en évidence dans tous les établissements de soins et cabinets médicaux. Cela peut se faire grâce à la création de campagnes de sensibilisation plaçant les usagers comme " des citoyens acteurs de leur santé " (174). La CNCDH encourage aussi la production de supports de communication particuliers à destination des populations rencontrant des obstacles particuliers pour faire valoir leurs droits. Ces supports pourront être conçus localement en fonction des besoins spécifiques de chaque établissement, en y associant à leur conception personnel soignant, personnel administratif et patients.
Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande de garantir l'effectivité du droit à l'accès au dossier médical.
b) Garantir la participation de tous les patients dans leur diversité
116. La mise en place d'une véritable démocratie sanitaire doit permettre la participation des usagers dans toutes les instances et à tous les niveaux du système de santé. Le socle législatif issu de la loi Kouchner 2002 reste à approfondir, notamment s'agissant des Commissions des usagers (CDU), instituées au sein des hôpitaux pour garantir les droits des usagers et formuler des propositions pour améliorer l'accueil des patients et de leurs proches.
117. Néanmoins, le rôle de la Commission des usagers reste limité dans la mesure où il est consultatif et où elle ne dispose que d'un pouvoir de médiation. Ses pouvoirs gagneraient donc à être étendus, et la place des usagers au sein de cette Commission renforcée, notamment en la faisant présider par un usager élu par les membres de la Commission. De plus, si les usagers ont été intégrés au conseil de surveillance des hôpitaux (175), certaines instances décisionnaires leur sont encore fermées. Pour que ceux-ci puissent véritablement participer aux décisions des établissements de soins, la Commission recommande d'expérimenter leur présence au sein du directoire des hôpitaux, là où se prennent les décisions stratégiques (176).
118. La CNCDH encourage aussi la mise en place d'une expérimentation de collaboration directe de patients avec les soignants comme en Angleterre avec la mise en place " d'experts par expérience " (177). Des patients avec des profils extrêmement variés sont rémunérés en tant qu'experts. Leur expérience du milieu médical est mise au service des usagers, des familles ou d'organisations afin de leur apporter du soutien. Ces experts observent également la pratique des professionnels de santé et peuvent échanger avec ceux-ci à ce sujet. Enfin, ils ont aussi la possibilité d'accompagner des inspecteurs et peuvent inclure des éléments dans les rapports d'inspection. L'emploi de ces patients experts prouve qu'il est possible d'associer les patients directement à la pratique des actes médicaux afin de sensibiliser l'ensemble des acteurs aux enjeux et perceptions de chacun.
119. Par ailleurs, pour une véritable démocratie sanitaire, la voix des usagers du système de santé doit être prise en compte dans toutes les institutions publiques dès la conception des projets dans la perspective de co-construction de leur mise en œuvre avec tous les acteurs. La CNCDH recommande donc la présence des associations agréées au sein de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (178) des conseils d'administration des agences sanitaires et des commissions des agences sanitaires et en nombre suffisant pour pouvoir peser sur les arbitrages au même titre que les autres parties prenantes (179).
Recommandation n° 13 : La Commission recommande la représentation des usagers en nombre suffisant pour avoir une influence dans toutes les instances de décision des établissements de santé et dans toutes les institutions et administrations publiques chargées de la politique de santé.
Enfin, la CNCDH souligne l'importance de veiller à la représentation de tous les usagers, dans leur diversité. Comme toujours quand il s'agit de représentation, des biais sociaux culturels influent sur la participation des personnes les plus vulnérables. Ainsi dans les EHPAD ce sont rarement les résidents qui s'expriment, mais leurs enfants alors qu'ils pourraient en avoir la capacité (180). La Commission insiste donc sur la nécessité de développer des mesures d'accompagnement, en allant au-devant de ces personnes, afin de bénéficier de leur savoir expérientiel et leur redonner leur place. Au-delà d'un accompagnement individuel, il s'agit aussi de mettre en place des espaces pour faire émerger une parole collective. Pour garantir la diversité, il importe aussi de s'assurer que les représentants de certaines pathologies ne soient pas surreprésentés, et que les usagers de différentes institutions soient entendus dans les instances territoriales. Il serait bénéfique de mieux associer les associations représentatives des malades, en particulier celles concernées par les maladies moins fréquentes, voire " rares ". De plus, si des enquêtes de satisfaction existent, elles ne sont souvent pas représentatives de l'ensemble des usagers puisque certains patients ne sont pas en capacité de répondre aux questionnaires fournis. Il importe alors d'aller directement à leur rencontre.
c) Mettre en place des instances représentatives de tous les soignants
120. Pour assurer une bonne représentation des personnels au sein des instances de décision des établissements de santé, la CNCDH souligne l'importance de veiller à la diversité. Ainsi, les personnels administratifs, techniques et paramédicaux, souvent moins considérés, doivent bénéficier d'une représentation et d'une considération égale à celle des médecins. Le dialogue n'en sera que plus effectif et les décisions plus démocratiques, en s'enrichissant des expériences des uns et des autres.
121. Il importe aussi de veiller à la diversité dans les instances professionnelles des soignants : diversité des conditions d'exercice, diversité de genre, diversité d'âge… La CNCDH regrette par exemple le Conseil national de l'ordre des médecins ne soit composé que de 5 femmes pour 49 hommes, alors que la profession compte 47 % de femmes et même 66 % pour les moins de 30 ans (181). Cela devrait permettre de mieux prendre en compte les évolutions des métiers et les difficultés et souhaits des plus jeunes et des femmes.
3. Améliorer les conditions de travail des soignants et rendre le métier plus attractif
a) Améliorer le quotidien des soignants et rendre leurs métiers plus attractifs
122. Face à la pression qui s'exerce au quotidien sur les soignants, notamment en raison de leur surcharge de travail, il importe de mettre en place des mesures pour améliorer leurs conditions d'exercice. Dans un premier temps, un rythme moins soutenu doit être mis en place grâce à une augmentation des personnels soignants et administratifs, les plans d'économie successifs ayant conduit à un sous-effectif chronique et à l'épuisement des personnels. Seule cette augmentation permettra le respect effectif de la législation sur le temps de travail et de repos, des pauses de sécurité réglementaire et de diminuer les horaires de travail des soignants, et des astreintes pendant les nuits, les week-ends et les vacances scolaires. Par ailleurs, cela permettra de redonner des temps d'échanges entre soignants et patients et d'éviter des erreurs de prise en charge et des accidents dus à la fatigue. La Commission rappelle notamment qu'il est essentiel de garantir un taux d'encadrement raisonnable dans les EHPAD. Seul ce taux pourra garantir la bientraitance des personnes âgées et des conditions de travail dignes pour le personnel soignant. Tout comme le rapport Fiat-Iborra (182), la Commission conseille l'établissement d'un taux d'encadrement en personnel (aide-soignants et infirmiers) de 0.6 pour 1 dans un délai de quatre ans maximum, dans la perspective ultérieure de 0.8 pour 1 comme demandé par l'AD-PA pour permettre une citoyenneté effective jusqu'aux derniers jours de la vie pour tous les résidents en EHPAD. De plus, les objectifs professionnels doivent être fixés en collaboration avec les représentants du personnel et être réalistes, pour permettre à chacun de s'épanouir dans une pratique bienveillante et éviter les maladies professionnelles et l'épuisement.
123. La Commission conseille de valoriser l'engagement des soignants. Cette approche implique dans un premier temps de revaloriser les salaires (183). En rapportant le salaire des infirmiers au pouvoir d'achat, la France reste en-dessous de la moyenne des pays de l'OCDE. Ces chiffres laissent transparaître un manque de considération envers cette profession qui est pourtant hautement sous pression. Les bas salaires dans les établissements de santé, cumulés aux conditions difficiles d'exercice, expliquent les difficultés de recrutement et le fort taux de turn-over des aides-soignants, des infirmiers et des médecins, au détriment de l'accompagnement des patients, de la transmission des savoirs et de l'organisation des soins. La valorisation des métiers du soin passe aussi par la création de ponts permettant plus de mobilité professionnelle. Tout au long de sa carrière le soignant devrait pouvoir changer de service ou de grade grâce à des bourses d'étude, à une offre de formation plus large et à une offre de formations longues rémunérées. A ce sujet, la Commission tient à saluer la mise en place annoncée d'infirmiers en pratique avancée (184).
124. Concernant la multiplication des suicides et des troubles dépressifs chez les soignants, une campagne d'action contre l'épuisement des soignants doit être lancée et un numéro d'appel officiel doit être créé afin de soutenir les professionnels de la santé en difficulté. Si cela est actuellement pris en charge par les syndicats, le système de santé doit lui-même pourvoir un soutien envers ces professionnels. La CNCDH recommande de mettre en place une cellule de veille ainsi que la création de groupes de parole et de systèmes de coordination d'équipes au sein des services hospitaliers afin d'apporter un soutien supplémentaire au soignants.
125. Enfin, améliorer le quotidien des soignants passe aussi par un recentrage de leur activité sur l'exercice de la médecine et le soin aux patients. Les médecins, dans le secteur ambulatoire comme hospitalier, doivent faire face à une multiplication des tâches administratives qui les écartent de leur cœur de métier (185). Ces tâches, chronophages pourraient être assurées par un personnel administratif. Ce recentrage et le recrutement de personnel supplémentaire devrait permettre de stabiliser les équipes et d'éviter les phénomènes de turn-over qui nuisent au travail collectif.
Recommandation n° 14 : Donner les moyens de bien faire leur travail au personnel soignant en garantissant un taux adéquat d'encadrement dans les établissements de santé et en EHPAD, et en revalorisant les salaires des infirmiers et aides-soignants et en favorisant leur mobilité professionnelle.
Recommandation n° 15 : Lutter contre l'épuisement professionnel des soignants en les soulageant de certaines tâches administratives et d'accompagnement via des embauches de personnels dans les établissements de santé ou avec un forfait dédié pour les soignants exerçant en libéral, en encourageant le développement d'équipes pérennes et de groupes de paroles avec la participation de psychologues.
b) Améliorer le statut des personnels
126. La pénibilité du travail des soignants n'est plus à démontrer. Comme l'indique la DRESS dans son " Portrait des professionnels de la santé " (2016), à l'hôpital " les professionnels de santé ont pratiquement sur tous les aspects des conditions de travail plus difficiles que l'ensemble des salariés ". Si certaines contraintes physiques et psychologiques sont inhérentes aux professions de santé, les pouvoirs publics doivent se mobiliser pour mesurer et compenser cette pénibilité. En septembre 2017, la création du compte professionnel de prévention a amené à la suppression de quatre critères de pénibilité (186). Cette suppression s'est faite en défaveur du personnel infirmier et des aides-soignants qui souffrent de TMS provoqués directement par leur pratique professionnelle. De plus, les infirmières du service public ne bénéficient plus de mesure de pénibilité depuis 2010. (187) Les pouvoirs publics doivent réfléchir à une modification du compte professionnel de prévention de telle manière à ce qu'il protège ces professions et reconnaisse leur pénibilité en leur permettant notamment un accès à la retraite anticipée. Cette mesure s'inscrirait dans une démarche de prévention face aux maladies professionnelles et participerait à une forme de reconnaissance et de valorisation du travail des soignants. La pénibilité au travail doit aussi être diminuée grâce à la mise en place de formations et de temps consacrés à la prévention. Cela peut prendre la forme d'échauffements d'un quart d'heure avant le début du service (188) et d'enseignements sur les bonnes postures à adopter pour éviter les troubles musculo-squelettiques (TMS). Ces démarches doivent s'inscrire dans le cadre du temps rémunéré, incorporant ainsi le bien-être et le respect des soignants dans le fonctionnement du système de santé.
Recommandation n° 16 : Considérant le secteur de la santé comme un milieu à risques, la CNCDH propose de modifier le compte professionnel de prévention afin de protéger les professions de santé. Elle recommande de reconnaître à nouveau la pénibilité du travail des infirmiers et de certains médecins exerçant dans des conditions particulièrement difficiles.
127. Par ailleurs si la loi santé 2016 reconnaît l'importance de la médiation sanitaire dans le processus d'accès aux droits, à la prévention et aux soins des plus discriminés, il importe que cette reconnaissance soit renforcée et valorisée. Actuellement, le médiateur de santé relève souvent de contrats aidés, parfois précaires, et n'est pas souvent considéré comme relevant d'une profession à part entière. Ses compétences sont souvent négligées alors que le savoir-être, l'adaptabilité, l'empathie, et la transmission d'informations favorise l'accès aux soins et à la prévention et contribue à rendre le système de santé plus humain et incluant. Des formations et une supervision des médiateurs doivent être mis en place afin d'encadrer et professionnaliser davantage cette activité en mettant l'accent sur les aspects déontologiques, notamment le respect du secret médical. Des moyens matériels et financiers doivent être alloués pour permettre le développement de cette profession.
Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande la création d'un véritable statut de médiateur en santé, avec un diplôme qui pourrait être basé sur une Validation des Acquis de l'Expérience et une courte formation universitaire notamment sur les aspects déontologiques. Ces médiateurs devraient être présents dans les structures hospitalières, et notamment dans les services d'urgence.
B. - Réformer la pratique du soin pour lui rendre son humanité
1. Revoir en profondeur la sélection et la formation initiale pour mieux outiller les professionnels
a) Favoriser les qualités humaines et la diversité dans la sélection et la formation
128. Pour lutter contre les maltraitances, au-delà de la réforme de l'organisation générale du système de santé, il importe de revoir la manière dont le soin est conçu et pratiqué pour lui rendre son humanité. Pour améliorer la prise en charge des patients, il importe de valoriser, dans l'accès aux carrières de santé, au-delà des critères scolaires, les qualités de bienveillance et d'humanité ; il faut veiller ensuite à ce que la formation des soignants et soignantes encourage le développement de telles qualités. Pour cela, il importe de réviser l'organisation et la finalité des études médicales et paramédicales.
129. Tout d'abord, la sélection initiale des futurs soignants doit être questionnée. Le système actuel, basé sur la PACES, favorise un esprit de compétition et organise une hiérarchie entre les personnels soignants, orientés vers des spécialités non par choix mais par défaut. La sélection, basée sur l'accumulation de connaissances théoriques et non d'aptitude à soigner et à développer un travail d'équipe favorise les étudiants les plus scolaires. Cette manière de sélectionner ne favorise pas la mixité sociale mais au contraire un entre soi qui ne prépare pas les étudiants à leur pratique future. Le concours de 6ème année pose sensiblement les mêmes problèmes et surcharge considérablement l'emploi du temps des étudiants, au détriment de leur pratique mais aussi de leur épanouissement personnel.
130. Par ailleurs, il convient d'encourager les évolutions de carrière entre les professions médicales, en permettant une véritable évolution de carrière pour les soignants moins qualifiés. Si la dispense de PACES pour les infirmiers depuis l‘arrêté du 21 avril 2017 va dans le bon sens, un début de formation commun à différentes professions pourrait faciliter cette évolution.
131. Ensuite, afin de développer les qualités humaines des soignants, et de les doter des moyens pour faire face à un grand nombre de situations et à une patientèle très diverse, il importe de renforcer les aspects concrets de leur formation. Les stages doivent intervenir dès le début des études et être ancrés dans la pratique : tout médecin devrait avoir expérimenté les tâches confiées aux aides-soignants et aux infirmiers. Au cours de son parcours, chaque futur médecin devrait pouvoir bénéficier d'expériences pratiques dans tous les niveaux de la hiérarchie médicale afin de mieux appréhender le quotidien de son futur métier, et de se réorienter au besoin, mais aussi d'améliorer la communication et l'esprit d'équipe. Ces stages devraient faire partie intégrante de l'évaluation des candidats, avec notamment une partie de l'évaluation portant sur l'accueil et l'accompagnement des patients. Il est particulièrement regrettable que ces critères n'interviennent pas dans l'évaluation des jeunes internes.
132. Une diversification des stages pratiques semble également nécessaire. Des stages extrahospitaliers devraient être encouragés dans différents lieux, notamment dans les banlieues et dans les espaces ruraux (189). Ceci permettrait aussi de lutter contre certains préjugés et d'encourager les installations dans ces zones où la pénurie de médecins est problématique.
133. Enfin, la CNCDH invite à repenser la formation des médecins en s'affranchissant de la séparation traditionnelle entre sciences humaines et sciences exactes. Si les sciences humaines et sociales sont présentes actuellement en faculté de médecine, leur importance doit être soulignée. Plutôt que de les considérer uniquement comme des cours optionnels ou des outils de sélection au concours, leur enseignement doit être dispensé tout au long de la formation afin de développer une aptitude à l'empathie, une réflexion sur l'éthique et l'esprit critique nécessaires à la pratique médicale ainsi que sur la diversité des cultures face à la santé et aux pratiques de soins.
Recommandation n° 18 : La Commission recommande de repenser la formation des médecins, en développant la prise en compte des qualités humaines.
b) Renforcer la clinique pratique et apprendre à s'adapter au patient
134. Pour permettre aux soignants de s'adapter à tous les patients qu'ils vont rencontrer, il est essentiel de remettre l'observation, l'écoute, le toucher au premier plan lors de l'accueil d'un patient. Malheureusement, les auditions de la CNCDH ont montré que l'hypertechnologisation des établissements et l'hyper spécialisation des soignants ont pu aboutir à un manque de formation à la pratique clinique (190). L'observation clinique permet pourtant de limiter la systématisation du recours aux technologies avant d'avoir pris le temps d'un échange avec le patient. Cet examen est particulièrement efficace auprès des patients souffrant de handicaps spécifiques ou d'autisme, mais aussi dans toutes les situations ou la communication peut s'avérer complexe : enfant, personne âgée, personne maîtrisant mal la langue française… Cette formation devrait aussi permettre de reconnaître les signes de la douleur chez les personnes non communicantes et d'apprendre quelques grandes règles pour l'accueil des personnes en situation de handicap physique ou psychique.
Des cours de sensibilisation à la diversité des patients doivent aussi être mis en place. Les facultés de médecine doivent s'ouvrir davantage aux associations de façon à y faire entendre la voix des usagers. Les témoignages concordent pour dire que davantage de temps doit être consacré à l'écoute de partage d'expériences de personnes victimes de préjugés et de discriminations. En ce sens, les co-formations par le croisement des savoirs initiés par ATD Quart Monde en partenariat avec des centres hospitaliers universitaires qui rapprochent des professionnels et des personnes en situation de pauvreté permet de corriger les préjugés, de mettre en question les postures et les logiques d'action des différents acteurs. Au terme de ce type de formation, les professionnels sont en mesure de mieux répondre aux demandes des personnes en situation de précarité, ce qui favorise l'accès aux droits Cette sensibilisation doit aussi passer par la révision des manuels qui contiennent encore, pour certains, des informations archaïques, biaisées ou erronées, en particulier sur les questions de genre (191).
135. D'autre part, la Commission recommande aussi la généralisation de la fonction de patient-enseignant au sein des facultés de médecine. Cette fonction présente l'intérêt de mettre fin à la sacralisation des savoirs des médecins et de favoriser une relation horizontale entre médecin et patient. De plus ; elle présente d'autres atouts dont ceux de :
- centrer les enseignements autour des attentes des patients ;
- favoriser la reconnaissance du droit des malades ;
- permettre aux médecins de mieux prendre en compte l'accès aux droits sociaux des patients ;
- renforcer l'éthique médicale.
Recommandation n° 19 : La Commission recommande de développer l'observation et la pratique de l'examen clinique tout au long des études de médecine et d'associer les patients, et notamment les patients issus de groupes sociaux exposés aux discriminations, à la formation.
c) Soutenir les internes et les jeunes professionnels de santé
136. Pour permettre aux internes et aux jeunes médecins de faire preuve de bienveillance, il conviendrait d'améliorer leur encadrement, en leur enseignant par l'exemple les bonnes pratiques et en s'assurant qu'ils soient bien accompagnés dans leur apprentissage. Pour cela, il est nécessaire de remettre en place un tutorat. La CNCDH rappelle que les internes sont des médecins en formation et s'indigne qu'on puisse leur laisser seul la charge de certains services, sans référent pour les encadrer. La Commission s'étonne aussi de constater que parfois plus des deux tiers de leur temps sont consacrés à des tâches administratives, qui devraient être déléguées à du personnel spécifique. Par ailleurs, il importe aussi de mettre en place une évaluation des maîtres de stages.
137. Une meilleure protection des internes s'impose. Les syndicats d'internes alertent sur les souffrances psychologiques. Ce problème doit être pris en charge en prévoyant la mise en place de cellules de soutien psychologique au sein de tous les hôpitaux.
138. Par ailleurs, la souffrance psychologique liée à un isolement professionnel touche aussi les jeunes médecins en pratique libérale et les professions paramédicales. Si l'exercice dans un cabinet médical regroupant plusieurs médecins ou dans une maison de santé tend à atténuer cet isolement, un accompagnement devrait être proposé aux professionnels de santé pendant leurs premières années d'exercice.
Recommandation n° 20 : La Commission recommande de remettre en place le tutorat et de s'assurer du bon accompagnement des internes et des jeunes professionnels. Elle insiste sur la nécessité de respecter la législation sur le temps de travail et les repos de sécurité, dans l'intérêt des soignants comme celui des soignés.
2. Renforcer la formation continue des professionnels et encourager les bonnes pratiques
a) Améliorer la formation continue et l'indépendance de l'information
139. Parmi les facteurs permettant de réformer la pratique du soin, la CNCDH insiste sur le renforcement des formations continues. Un budget doit être prévu afin de soutenir la formation en développant le panel de formations proposé par l'Etat et en soutenant financièrement les associations porteuses de projets de formation afin de briser le quasi-monopole de l'industrie du médicament et des assureurs sur les formations, qui pose des questions de neutralité et d'éthique. Cela permettrait de développer davantage des formations axées sur la prise en charge, la pratique, l'éthique. Pour que ces formations soient réellement accessibles à tous les professionnels, elles doivent être accompagnées par la mise en place d'un système de remplacement des professionnels durant leur temps de formation. La CNCDH estime qu'il conviendrait aussi de soutenir les publications médicales indépendantes de l'industrie pharmaceutique et non financées par la publicité.
140. En parallèle au développement des formations, la Commission encourage la HAS et Santé publique France à développer de nouveau outils numériques pour permettre une meilleure diffusion de l'information aux professionnels de santé. Il est par exemple possible de concevoir des applications numériques, utilisables sur smartphone comme sur ordinateur, qui envoient aux médecins des alertes en cas de nouveaux référentiels ou d'alertes sanitaires en lien avec leurs centres d'intérêts particuliers ou la composition de leur patientèle. Un professionnel confronté à la prise en charge d'un patient avec un profil inhabituel, devrait pouvoir accéder très simplement aux guides de prise en charge existants. Trop souvent, ces informations existent mais sont difficiles d'accès et les professionnels n'ont que peu de temps après leurs consultations pour se former.
Recommandation n° 21 : La Commission recommande de développer les formations sur l'accueil et la prise en charge, notamment celle des populations les plus discriminées, en y associant les usagers du système de santé concernés et favoriser les dispositifs de rémunération et de remplacement des médecins partant en formation.
Recommandation n° 22 : La Commission recommande aussi de développer de nouveaux outils numériques pour aider les médecins à se former et simplifier l'accès aux nouveaux référentiels de prise en charge et aux guides publiés par la HAS.
b) Soutenir les bonnes pratiques
141. La CNCDH souligne que beaucoup de médecins et de professionnels de santé cherchent à innover et à mettre en place de bonnes pratiques. Ces initiatives doivent être soutenues et encouragées par des budgets spécifiques.
142. Tout d'abord, pour améliorer la prise en charge des patients présentant des pathologies lourdes ou en situation de handicap, dont les consultations sont plus longues et plus complexes, le temps accordé à l'examen de ces patients, mais aussi éventuellement à la formation que leur prise en charge nécessite, doit être revalorisé. La CNCDH recommande l'instauration d'un tarif spécifique, plus élevé, comme c'est déjà le cas pour les jeunes enfants et pour certaines consultations réputées plus longues (première contraception, annonce d'une maladie grave…). A l'inverse, de réelles sanctions doivent être prises envers les médecins qui refusent les patients relevant de la CMU-C ou d'autres catégories de patients, sans prendre le temps de les réorienter vers une structure adaptée à leur accueil. Par ailleurs, un véritable effort doit être fait pour que plus de cabinets soient accessibles aux personnes en situation de handicap physique.
143. L'amélioration de la prise en charge globale du patient passe aussi par une meilleure coordination entre professionnels de santé, ce qui nécessite du temps, pour l'instant souvent non rémunéré. Ainsi une véritable reconnaissance du temps de liaison et du temps de formation, faciliterait la pratique des médecins généralistes et les aideraient à mieux prendre en charge leurs patients.
Recommandation n° 23 : La Commission recommande la mise en place d'un tarif spécifique, revalorisé, pour la prise en charge des patients ayant des pathologies plus complexes ou dont le handicap ou l'état de santé nécessite des consultations plus longues et un temps de coordination spécifique avec d'autres professionnels.
3. Assurer un accueil bienveillant et un suivi personnalisé du patient
a) Accueillir humainement et réorienter efficacement tous les patients
144. Même si les causes ne sont pas toutes identiques, la CNCDH constate que l'accueil des patients pose différents problèmes, à l'hôpital comme en secteur libéral.
145. Concernant l'hôpital, les problèmes d'accueil se concentrent autour des urgences, qui ne peuvent plus faire face à l'afflux de patients et dont il faut faciliter le fonctionnement. Cela passe déjà par une augmentation effective des budgets et l'embauche de personnels, qu'il s'agisse de médecins, d'infirmiers, d'aide soignants ou de personnels administratifs pour soulager les équipes qui y travaillent. Pour désengorger les urgences, il faut aussi permettre d'orienter au plus vite les personnes accueillies vers les autres services de l'hôpital : actuellement, faute de lits disponibles, ou de service adapté les patients sont contraints d'attendre des heures, voire des jours, aux urgences, ce qui mène à des situations dramatiques. Pour éviter cette attente, la CNCDH recommande de développer les services de médecine polyvalente, qui ont souvent été négligés au profit des services spécialisés, et qui sont les plus à même de prendre le relais des urgences. Ces services peuvent alors établir un diagnostic et traiter les patients âgés polypathologiques, qui ne sont pas dans un état grave mais nécessitent de rester sous surveillance en raison de leur fragilité.
146. Plus généralement, pour la prise en charge de ces patients qui sont de plus en plus nombreux aux urgences à cause du vieillissement de la population, et qui ne peuvent rester en EHPAD faute de personnel soignant suffisant. Il importe donc de développer les Unités de Soin Longue Durée, mieux à même de les prendre en charge. En particulier, davantage de structures d'accueil pour les personnes handicapées vieillissantes doivent être prévues. Ces personnes sont trop souvent prises en charge dans des EHPAD où le personnel en charge de l'encadrement manque de temps ou ne dispose pas d'une formation adaptée. Enfin, dans le cadre de la fin de vie il importe de développer les unités de soins palliatif : d'après un rapport de 2014 moins de 20 % des personnes en fin de vie y ont accès.et 70 % des lits sont concentrés dans 5 régions. (192)
147. Les maisons de naissance, jusqu'à l'heure utilisées à titre expérimental, doivent quant à elles être institutionnalisées et multipliées. Elles permettent une alternative à l'hospitalisation en maternité avec une prise en charge plus personnalisée et moins coûteuse (193). Ces établissements spécialisés autorisent même, dans certains cas, les femmes à sortir des protocoles en les autorisant à accoucher conformément à un projet de naissance défini par elles. Ils fournissent aussi un cadre rassurant dans lequel les femmes sont accompagnées par des sages-femmes qu'elles connaissent. Enfin, ce type d'établissement contribue à valoriser le rôle des sages-femmes (194) qui se trouvent au cœur du soin diversifiant ainsi les acteurs de référence dans l'univers médical. Il importe cependant de revaloriser le montant de la prise en charge de l'accouchement par voie basse, celui-ci ne permettant pas actuellement aux sages-femmes d'exercer dans de bonnes conditions. Chaque maison de naissance devrait être en lien avec un établissement hospitalier de référence, avec des équipes médicales apprenant à travailler ensemble pour être en mesure de faire face aux imprévus sur la base de protocoles co-élaborés.
Recommandation n° 24 : La Commission recommande de développer les services d'hospitalisation générale, les unités de soins longue durée et les unités de soins palliatifs pour améliorer la prise en charge de la fin de vie et des personnes dépendantes comme alternatives aux EHPAD et aux urgences qui ne sont pas adaptés à la prise en charge de ces patients.
Recommandation n° 25 : La Commission recommande la création de structures spécialisées adaptées à la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes, avec un taux d'encadrement supérieur à celui des EHPAD.
Recommandation n° 26 : La Commission recommande de favoriser la création de maisons de naissances adossées à des maternités pour garantir la sécurité médicale.
148. Qu'il s'agisse de l'hôpital ou de l'exercice en libéral, le manque d'information pour s'orienter, ou se réorienter vers des praticiens ou des structures plus adaptées est une autre difficulté auxquelles les patients doivent faire face. Si le professionnel peut refuser une prise en charge en cas de manque de temps, de matériel ou de connaissances adaptées, il doit, conformément à son code de déontologie, réorienter son patient. En pratique cette disposition est souvent ignorée, parfois par négligence mais souvent aussi par manque d'information sur les structures et professionnels plus spécialisés. La CNCDH recommande donc la mise en place d'une base de données comportant une liste de médecins et de lieux de soins spécialisés accessible pour tous en ligne. Cela pourrait par exemple aider les patients en surpoids à se diriger directement vers des établissements qui disposent d'un matériel permettant leur accueil. Une base de données aiderait aussi les médecins dont le cabinet n'est pas accessible à rediriger les patients. Enfin, le site Ameli doit disposer de plus d'informations sur les caractéristiques de chaque médecin. La CNCDH propose que l'annuaire des professionnels de santé comprenne des informations sur les spécificités matérielles des cabinets médicaux et des établissements de soins de façon à faciliter la démarche d'accès aux soins des patients. Le Conseil national de l'Ordre des médecins pourrait participer à l'élaboration d'une cartographie adaptée (195).
149. Enfin, le manque d'accessibilité des locaux pour les personnes en situation de handicap physique, mais aussi parfois pour les personnes dépourvues de moyen de transport individuel, continue de poser problème. En effet, malgré, la loi du 11 février 2005 qui prévoit que les établissements recevant du public (ERP) doivent être accessibles aux personnes handicapées quel que soit le type de handicap notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, beaucoup de structures restent inaccessibles. Conscient des difficultés rencontrées par certains professionnels de santé, la CNCDH propose que des aides soient mises en place et que les pouvoirs publics interviennent pour que tous les patients puissent avoir facilement accès à des cabinets ou des structures aux normes. Pour cela, il importe aussi de penser à l'accès du local, en termes de stationnement et de desserte par les transports en commun. Par ailleurs, si le local ne peut être mis aux normes, les mairies et départements peuvent aider les professionnels à déménager.
Recommandation n° 27 : La Commission recommande la création d'une base de données en ligne sur le site Ameli, accessible à tous, indiquant les cabinets, structures de santé et centre d'examens ou laboratoires d'analyses accessibles aux personnes en situation de handicap et disposant de l'équipement adapté.
Recommandation n° 28 : La Commission recommande de veiller au maillage territorial des cabinets, établissements de soins, centres d'examens et laboratoires d'analyses accessibles aux personnes en situation de handicap afin de faire respecter leur droit à l'accès aux soins.
b) Mettre en place un suivi véritablement personnalisé pour tous les patients
150. La CNCDH insiste sur l'importance d'une prise en charge globale de chaque patient, et notamment des patients les plus isolés et les plus fragiles. Pour cela, il importe déjà de repérer les patients les plus en difficultés pour adapter la prise en charge. Ces patients, appelés " patients-porcelaine " au centre de santé de la cité du Franc Moisin à Saint-Denis nécessitent une attention plus importante que la moyenne. Il s'agit de prévoir des consultations plus longues, la présence éventuelle de médiateurs et ou un accompagnement par une assistante sociale. Pour permettre cette identification, il faut aussi former les médecins, par exemple via les stages et le tutorat, pour qu'il prennent conscience du lien entre l'environnement socio-économique et la santé, qu'ils soient à même de poser des questions de manière bienveillante et d'adapter leur communication pour être bien compris.
151. Lors de ses auditions, la CNCDH a relevé le peu de communication institutionnelle et pratique entre les domaines sanitaire, social et psychiatrique. Le cloisonnement entre ces différents secteurs peut aboutir au rejet des patients qui ne s'adressent pas au bon endroit. Or, tous les patients qui le souhaitent devraient bénéficier d'un accompagnement global et d'une meilleure coordination entre les différents acteurs du système médico-social. Cela permettrait d'éviter l'établissement de projets thérapeutiques infaisables par incompréhension ou manque de moyens matériels du patient mais aussi de prévenir et prendre en charge des problèmes au croisement du social et du sanitaire. Cette coopération devrait être reconnue et valorisée, pour permettre la co-construction du projet thérapeutique et l'adaptation des protocoles.
152. La CNCDH se félicite de la mise en place d'une réflexion sur les liens à développer entre la médecine de ville et la médecine hospitalière (196) souhaitée par le ministère de la santé afin de décloisonner notre système de santé et améliorer la prise en charge globale, le continuum des soins et la collaboration entre professionnels de santé dans l'intérêt des patients.
153. La CNCDH encourage le développement de maisons et centres de santé car leur approche pluri-professionnelle, transdisciplinaire et les relations qu'ils tissent avec le secteur médico-social et les associations permettent une prise en charge globale du patient (197). Pour cela, il importe de faciliter leur financement pérenne. La Commission soutient aussi la mise en action des dispositions proposées dans le rapport Borloo afin de lutter contre les inégalités de santé dans les quartiers " politique de la ville ". (198)
Recommandation n° 29 : Afin de favoriser le développement d'une approche globale de la santé, la CNCDH recommande de développer les maisons et centre de santé pluridisciplinaires et de soutenir les professionnels de santé engagés autour d'un projet commun construit à la suite d'une analyse des besoins de la population locale voire en concertation avec elle.
c) Soulager et accompagner les aidants
154. Les proches aidants jouent un rôle essentiel pour l'accompagnement des patients, qui commence seulement à être reconnu et gagnerait à être mieux encadré. Pour encourager la reconnaissance de leur rôle, mais aussi pour mieux les protéger, la CNCDH encourage à la construction d'une charte des aidants familiaux qui pourrait être diffusée au sein des établissements de soins. Celle-ci inclurait des informations sur le droit de l'aidant et ses limites, des rappels sur les risques sanitaires et sociaux qui touchent les aidants tels que l'isolement, l'épuisement, la dépression et le développement de maladies. Elle inclurait aussi un répertoire succinct exposant les soutiens et relais proposés aux aidants. Cette charte pourrait être affichée dans les lieux de passage des établissements hospitaliers, près de la charte du patient hospitalisé afin de créer une réelle complémentarité entre soignants, soignés et aidants.
155. Face au vieillissement de la population et au développement des soins ambulatoires, la CNCDH regrette que le statut d'aidant ne fasse pas l'objet d'une réflexion plus approfondie. Il apparaît en effet que la sécurité sociale tend à se décharger d'une partie de sa mission de prise en charge des soins et des personnes dépendantes sur l'entourage des patients. Si pour celles et ceux qui sont bien entourés, et ont les moyens de faire appel à des prestataires de service et d'aménager leur logis, une telle solution peut s'avérer bénéfique, ce n'est pas le cas des personnes plus isolées et plus précaires, d'autant que des dépenses couvertes en cas d'hospitalisation ne le sont plus en hospitalisation à domicile. La CNCDH déplore les grandes inégalités en ce domaine, à commencer par le fait que la plupart des aidants sont en fait des aidantes, qui ne bénéficient que rarement de l'accompagnement nécessaire pour exercer à bien leurs différentes tâches. En effet, la complexité du suivi administratif et financier et de la coordination des soins d'une personne dépendante est difficile à appréhender sans formation adéquate. Les soins du quotidien, comme la toilette, mais aussi l'écoute de la personne, peuvent être très éprouvants psychologiquement et nécessiteraient des lieux d'écoute spécialisés. Ceci est d'autant plus difficile à vivre quand les soignants négligent la parole des aidants, voire leur adressent des reproches, alors que présents auprès du patient très régulièrement, ils peuvent apporter des éléments importants dans l'établissement du diagnostic et jouer un rôle clef dans la mise en œuvre du traitement qui doit être compatible avec les conditions matérielles du patient et les possibilités d'accompagnement des aidants. C'est particulièrement vrai envers ceux dont la culture ou le mode de vie sont éloignés des leurs.
156. Une des grandes difficultés auxquels les aidants doivent faire face concerne la sortie d'hospitalisation. Celle-ci doit ensuite être davantage préparée, d'autant qu'elle se fait de plus en plus tôt avec le développement de l'ambulatoire et la complexification des soins qui en résulte. Une meilleure formation des soignants doit être prévue pour qu'ils soient en mesure de rediriger vers des dispositifs relais les aidants qui ne peuvent pas faire face. Ensuite, il faut prévoir une vraie sensibilisation des aidants sur leur rôle et les risques sanitaires et sociaux qu'ils encourent par le biais de dispositifs relais, mais aussi d'une documentation accessible à tous. Cette sensibilisation doit être poursuivie dans le cadre des visites de soignants à domicile, ainsi qu'au sein des structures médico-sociales. Une aide administrative doit être proposée à chaque famille, les dossiers pour les réorientations ou la coordination de soins à domicile étant particulièrement complexes à remplir et certains dispositifs beaucoup trop onéreux.
157. En parallèle à la sensibilisation sur les risques qu'encourent les aidants, la CNCDH recommande le développement de structures d'accueil. Les structures d'accueil de jour, de nuit et l'hébergement temporaire (199) doivent être multipliées pour assurer un soutien efficace à l'aidant. La pratique de systèmes de gardes doit elle aussi être généralisée de façon à renforcer la garde à domicile et la garde itinérante de nuit. La pratique du baluchonnage peut elle aussi être favorisée. Ce service de remplacement de courte durée, qui prévoit qu'un " baluchonneur " vienne à domicile remplacer l'aidant, permet aux aidants de se reposer durant plusieurs jours tout en proposant un service souple adapté à chacune des familles concernées. Ces approches se révèlent complémentaires à la pratique de l'aidant et peuvent protéger les aidants des risques de surmenage, d'isolement ou de dépression.
158. Par ailleurs, une attention particulière doit être portée aux aidants pour éviter les risques pesant sur leur santé psychique et physique (200). La CNCDH recommande d'inclure une sensibilisation au soin à l'aidant dans la formation des soignants, quel que soit leur niveau d'études. Cette attention doit être accrue pour les aidants les plus vulnérables. La CNCDH rappelle la recommandation de l'ANESM qui indique que " pour les aidants de 70 ans ou plus, (il faut) sensibiliser les professionnels au risque plus important de diminution des potentialités en s'appuyant notamment sur la fiche de la HAS " Comment repérer la fragilité en soins ambulatoires ? ' (201) Pour ce qui est des aidants mineurs, l'ANESM recommande de sensibiliser les professionnels au risque de déscolarisation et à l'importance d'informer les familles sur ce risque (202).
159. La CNCDH rappelle aussi que le rôle de l'aidant doit être mieux reconnu. Les aidants souffrent d'un manque de reconnaissance et de considération de la part des soignants. Une insistance particulière en ce sens est nécessaire dès la formation des médecins et doit être rappelée dans le cadre de formations continues. A cette reconnaissance médicale doit s'ajouter une reconnaissance sociale du rôle de l'aidant et la garantie de ses droits sociaux.
160. La CNCDH invite aussi à ce que soit entamée une réflexion sur le statut des aidants familiaux. Ainsi, des conditions spécifiques d'aménagement du travail pourraient être mises en place leur donnant un accès facilité au télétravail, aux congés temporaires, à des aménagements horaires ainsi qu'à une meilleure rémunération des aidants faisant le choix de travailler à mi-temps. La CNCDH encourage également la mise en place effective du droit au répit et relaie les demandes du Défenseur des droits en ce sens (203).
161. Enfin, une meilleure formation des aidants semble indispensable afin faciliter le travail de l'aidant et d'améliorer la qualité de son aide vis-à-vis de la personne soignée. Les aidants eux-mêmes réclament des formations pour pouvoir mieux s'occuper du malade et aussi mieux gérer leur quotidien. Mieux former l'aidant, c'est mieux le protéger en lui permettant de se prémunir de risques pour lui-même ainsi que pour la personne dont il s'occupe.
Recommandation n° 30 : La Commission recommande de développer l'accompagnement des aidants afin de les soulager, notamment en rendant effectif le droit au répit. Pour la CNCDH, le droit au répit ne pourra exister sans véritable politique publique pour la prise en charge de la perte d'autonomie.
Recommandation n° 31 : La Commission recommande de développer l'accompagnement des aidants afin de les soulager, en améliorant leur formation, en reconnaissant leur compétences et en rendant effectif le droit au répit. Elle souhaite la mise en place d'un plan national en ce sens, accompagné des moyens nécessaires.
Recommandation n° 32 : La CNCDH recommande l'adoption d'une charte des aidants afin de faire mieux reconnaitre leur rôle, leur besoin de protection et la nécessité d'une réelle collaboration entre soignants et aidants.
162. Tout en saluant la qualité du système de santé français et le dévouement des nombreux soignants qui en sont la clé de voute, la CNCDH insiste sur la nécessité de considérer les maltraitances comme un problème global. Un changement de perspective s'impose, pour remettre l'humain au cœur du soin et garantir les droits fondamentaux de toutes et tous. Un changement effectif des pratiques doit permettre de mettre fin aux maltraitances et de promouvoir la bienveillance, en facilitant la communication entre tous les acteurs du système, patients, aidants, soignants et en améliorant le quotidien des personnes.
163. Par cet avis, la CNCDH suggère ici des pistes de réflexion. Elles nécessiteraient d'être approfondies dans le cadre d'un travail concerté entre les décideurs politiques, les autorités sanitaires et sociales, les universités, les associations de soignants, d'aidants et de patients ainsi que les syndicats. Ces réflexions pourraient également s'inspirer des bonnes pratiques observées à l'échelle nationale, locale ou dans d'autres pays. A l'évidence, la réussite d'une telle entreprise nécessite un engagement politique inscrit dans la durée. L'enjeu est d'autant plus important que même avec les progrès techniques de la machine, rien ne pourra remplacer l'examen clinique ni les échanges directs entre le patient et le soignant.
SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : La Commission recommande d'aligner chaque année le plafond de l'ONDAM (Objectif national de dépenses d'assurance maladie) sur les prévisions de croissance " naturelle " des dépenses de santé (environ 4 %) et d'abandonner le principe de " tarification à l'activité " qui favorise paradoxalement la concurrence entre les établissements et l'accroissement des dépenses.
Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande d'initier une collecte de données et de procéder à une évaluation tant quantitative que qualitative de l'ensemble des actes de maltraitance, envers les soignants et patients et la création d'indicateurs spécifiques pour mesurer l'étendue de ces actes.
Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande la mise en place d'une politique publique de lutte contre les maltraitances dans le système de santé, pilotée en concertation avec les différents ministères et institutions concernées, et appuyée sur l'évaluation systématique de l'impact des réformes sur les plus pauvres et les plus discriminés.
Recommandation n° 4 : Pour les cas ne relevant pas de la justice, la CNCDH recommande la création d'une commission paritaire patients-soignants en charge de la médiation et de la sanction des professionnels de santé impliqués dans les cas de manquement à l'éthique.
Recommandation n° 5 : Au regard des discriminations, des difficultés d'accès aux soins dont sont victimes les populations les plus vulnérables, la CNCDH recommande la création d'une protection maladie effectivement universelle, en fusionnant l'Aide Médicale d'Etat et la Couverture Maladie Universelle, sans droit d'entrée et intégrée au régime général de la sécurité sociale, qui puisse être délivrée en urgence au guichet de la caisse d'assurance maladie et qui garantisse au médecin un paiement rapide des soins effectués. Pour faciliter les démarches, il conviendrait d'ouvrir aux bénéficiaires des minima sociaux un accès automatique à la CMU-C.
Recommandation n° 6 : La Commission recommande la mise en place de PASS dotées d'une véritable équipe d'accueil, comprenant a minima médecin, infirmier et aide-soignant, accompagnés d'un travailleur social voire d'un interprète ou d'un médiateur et d'un secrétariat médical, en lien avec un dispositif de soins dentaires dans tous les Centre Hospitalo-Universitaires. Elle encourage aussi le développement des PASS mobiles et des PASS Santé mentale. Consciente du coût de cette mise en place, la CNCDH insiste sur les économies qu'elle induirait via une amélioration considérable de la prévention.
Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande au gouvernement d'utiliser la licence d'office et de fixer seul le prix du médicament, en confiant la fabrication à un service public si défection de l'industrie pharmaceutique privée pour garantir l'accès aux traitements.
Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande la création d'une institution spécifique chargée de développer la recherche sur la santé des femmes, ou a minima d'un institut thématique spécifique au sein de l'Inserm, à l‘image de l'Office of Research on Women's Health créé en 1990 aux Etats-Unis et des programmes similaires existant en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas.
Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande que pour bénéficier de financements publics et de l'Autorisation de Mise sur le Marché les études cliniques aux trois étapes portent à parité sur les femmes et les hommes, et que diverses corpulences soient représentées, comme c'est le cas aux Etats-Unis pour les études financés par les National Institues of Health.
Recommandation n° 10 : Afin de mettre en œuvre des programmes de prévention pertinents, la CNCDH recommande leur élaboration en collaboration avec les associations d'usagers du système de santé et les personnes ciblées en prenant en compte l'ensemble des déterminants sociaux et environnementaux de la santé. Soucieuse d'efficacité, elle recommande que le langage des campagnes de masse soit respectueux de toutes les personnes.
Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande d'adopter une approche participative permettant de renforcer l'adhésion du patient aux conseils de prévention, au projet thérapeutique, et de s'assurer de sa capacité à le mettre en œuvre.
Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande de garantir l'effectivité du droit à l'accès au dossier médical.
Recommandation n° 13 : La Commission recommande la représentation des usagers en nombre suffisant pour avoir une influence dans toutes les instances de décision des établissements de santé et dans toutes les institutions et administrations publiques chargées de la politique de santé.
Recommandation n° 14 : Donner les moyens de bien faire leur travail au personnel soignant en garantissant un taux adéquat d'encadrement dans les établissements de santé et en EHPAD, et en revalorisant les salaires des infirmiers et aides-soignants et en favorisant leur mobilité professionnelle.
Recommandation n° 15 : Lutter contre l'épuisement professionnel des soignants en les soulageant de certaines tâches administratives et d'accompagnement via des embauches de personnels dans les établissements de santé ou avec un forfait dédié pour les soignants exerçant en libéral, en encourageant le développement d'équipes pérennes et de groupes de paroles avec la participation de psychologues.
Recommandation n° 16 : Considérant le secteur de la santé comme un milieu à risques, la CNCDH propose de modifier le compte professionnel de prévention afin de protéger les professions de santé. Elle recommande de reconnaître à nouveau la pénibilité du travail des infirmiers et de certains médecins exerçant dans des conditions particulièrement difficiles.
Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande la création d'un véritable statut de médiateur en santé, avec un diplôme qui pourrait être basé sur une Validation des Acquis de l'Expérience et une courte formation universitaire notamment sur les aspects déontologiques. Ces médiateurs devraient être présents dans les structures hospitalières, et notamment dans les services d'urgence.
Recommandation n° 18 : La Commission recommande de repenser la formation des médecins, en développant la prise en compte des qualités humaines.
Recommandation n° 19 : La Commission recommande de développer l'observation et la pratique de l'examen clinique tout au long des études de médecine et d'associer les patients, et notamment les patients issus de groupes sociaux exposés aux discriminations, à la formation.
Recommandation n° 20 : La Commission recommande de remettre en place le tutorat et de s'assurer du bon accompagnement des internes et des jeunes professionnels. Elle insiste sur la nécessité de respecter la législation sur le temps de travail et les repos de sécurité, dans l'intérêt des soignants comme celui des soignés.
Recommandation n° 21 : La Commission recommande de développer les formations sur l'accueil et la prise en charge, notamment celle des populations les plus discriminées, en y associant les usagers du système de santé concernés et favoriser les dispositifs de rémunération et de remplacement des médecins partant en formation.
Recommandation n° 22 : La Commission recommande aussi de développer de nouveaux outils numériques pour aider les médecins à se former et simplifier l'accès aux nouveaux référentiels de prise en charge et aux guides publiés par la HAS.
Recommandation n° 23 : La Commission recommande la mise en place d'un tarif spécifique, revalorisé, pour la prise en charge des patients ayant des pathologies plus complexes ou dont le handicap ou l'état de santé nécessite des consultations plus longues et un temps de coordination spécifique avec d'autres professionnels.
Recommandation n° 24 : La Commission recommande de développer les services d'hospitalisation générale, les unités de soins longue durée et les unités de soins palliatifs pour améliorer la prise en charge de la fin de vie et des personnes dépendantes comme alternatives aux EHPAD et aux urgences qui ne sont pas adaptés à la prise en charge de ces patients.
Recommandation n° 25 : La Commission recommande la création de structures spécialisées adaptées à la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes, avec un taux d'encadrement supérieur à celui des EHPAD.
Recommandation n° 26 : La Commission recommande de favoriser la création de maisons de naissances adossées à des maternités pour garantir la sécurité médicale.
Recommandation n° 27 : La Commission recommande la création d'une base de données en ligne sur le site Ameli, accessible à tous, indiquant les cabinets, structures de santé et centre d'examens ou laboratoires d'analyses accessibles aux personnes en situation de handicap et disposant de l'équipement adapté.
Recommandation n° 28 : La Commission recommande de veiller au maillage territorial des cabinets, établissements de soins, centres d'examens et laboratoires d'analyses accessibles aux personnes en situation de handicap afin de faire respecter leur droit à l'accès aux soins.
Recommandation n° 29 : Afin de favoriser le développement d'une approche globale de la santé, la CNCDH recommande de développer les maisons et centre de santé pluridisciplinaires et de soutenir les professionnels de santé engagés autour d'un projet commun construit à la suite d'une analyse des besoins de la population locale voire en concertation avec elle.
Recommandation n° 30 : La Commission recommande de développer l'accompagnement des aidants afin de les soulager, notamment en rendant effectif le droit au répit. Pour la CNCDH, le droit au répit ne pourra exister sans véritable politique publique pour la prise en charge de la perte d'autonomie.
Recommandation n° 31 : La Commission recommande de développer l'accompagnement des aidants afin de les soulager, en améliorant leur formation, en reconnaissant leur compétences et en rendant effectif le droit au répit. Elle souhaite la mise en place d'un plan national en ce sens, accompagné des moyens nécessaires.
Recommandation n° 32 : La CNCDH recommande l'adoption d'une charte des aidants afin de faire mieux reconnaitre leur rôle, leur besoin de protection et la nécessité d'une réelle collaboration entre soignants et aidants.
(1) Healthcare Access and Quality Index based on mortality from causes amenable to personal health care in 195 countries and territories, 1990-2015: a novel analysis from the Global Burden of Disease Study 2015”, The Lancet, Volume 390, No. 10091, p231-266, 15 July 2017.
(2) Interview du professeur André Grimaldi, " Nous avons un bon système de soins, mais notre système de santé publique est médiocre ", le 3 novembre 2017, consultable en ligne sur lutopik.org https://www.lutopik.com/article/andre-grimaldi-bon-systeme-de-soins-mais-systeme-de-sante-publique-mauvais.
(3) Ibid, Grimaldi.
(4) Recommandations en urgence du 1er février 2018 de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté relatives au centre hospitalier universitaire de Saint-Etienne (Loire), lien au 17 mai 2018 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000036659254&categorieLien=id
(5) Le 30 janvier 2018 le personnel des Ehpad s'est mis en grève pour protester contre les conditions de travail dans leurs établissements et pour dénoncer une " maltraitance institutionnelle ". L'une des revendications était l'application d'un ratio d'un agent pour un résident, la moyenne étant actuellement de 0,6. Le personnel des Ehpad réclamait aussi l'abandon d'une réforme tarifaire initiée en 2017, qui prévoit d'aligner progressivement jusqu'en 2023 les dotations aux Ehpad publics et privés.
(6) L'alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 dispose que la Nation " garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ".
(7) L'article L. 1110-1 du code de la santé publique dispose que " le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d'assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible ".
(8) Parmi de nombreuses autres sources : l'article 12-1 du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ou l'article 11 de la Charte sociale européenne révisée garantissant le droit à la protection de la santé physique et mentale.
(9) Rapport CESE sur les déserts médicaux ; rapport CESE prix et accès aux traitements médicaux innovants ; avis CCNE santé des migrants et exigence éthique ; rapport HCEfh. La santé et l'accès aux soins ne doivent plus être un luxe pour les femmes en situation de précarité.
(10) Comme le rappelle la critique du Conseil National de l'Ordre des médecins portant sur Les brutes en blanc de Martin Winckler, lien au 17 mai 2018 : https://www.conseil-national.medecin.fr/node/1891
(11) " La maltraitance ‘'ordinaire'' dans les établissements de santé " Claire Compagnon et Véronique Ghadi HAS 2009, lien au 17 mai 2018 : www.has-sante.fr//portail/upload/docs/application/pdf/2010-01/rapport_ghadi_compagnon_2009.pdf
(12) Ibid, Compagnon et Ghadi, page 10
(13) CNCDH, avis sur le consentement des personnes vulnérables, adopté le 16 avril 2015, JORF n°0158 du 10 juillet 2015, texte n°126.
(14) Renforcer les Commissions des usagers dans les établissements de santé, ARS, lien au 17 mai 2018 : solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_41.pdf
(15) Demande de rapport faite par Marlène Schiappa, Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, 24 juillet 2017, lien au 17 mai 2018 : http://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2017/07/cp-violences-obstetricales-240717.pdf
(16) Ces revendications s'expriment par le biais de blogs d'alertes de soignants ou encore de listes de médecins recommandés pour leurs bonnes pratiques.
(17) " Plus de huit Français sur dix sont satisfaits de la qualité des soins dispensés par leurs médecins ", Qualité et accès aux soins : que pensent les Français de leurs médecins ?, DREES, 19 octobre 2017, lien au 17 mai 2018 : http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/qualite-et-acces-aux-soins-que-pensent-les-francais-de-leurs-medecins.
(18) Rapport d'enquête " cadre de vie et sécurité ", 7 décembre 2017, lien au 17 mai 2018 : www.interieur.gouv.fr/Interstats/L-enquete-Cadre-de-vie-et-securite-CVS/Rapport-d-enquete-cadre-de-vie-et-securite-2017 et le site de l'ONDRP qui exploite également cette enquête : lien au 17 mai 2018 : https://inhesj.fr/ondrp/publications/rapport-annuel.
(19) Eric Favereau , " Agnès Buzyn : ‘Sur l'hôpital, nous sommes arrivés au bout d'un système' ", 11 décembre 2017, Libération, lien au 17 mai 2018 : http://www.liberation.fr/france/2017/12/11/agnes-buzyn-sur-l-hopital-nous-sommes-arrives-au-bout-d-un-systeme_1615985, entretien avec la Ministre Agnès Buzyn.
(20) Baptiste Beaulieu, médecin et bloggeur, témoigne avoir répondu à un collègue, " attendez, je finis avec l'AVC " pour réaliser, suite à une réflexion de la part du patient, la portée de ses mots, audition de Baptiste Beaulieu, le 7 février 2018, dont le blog contient de très nombreux témoignages, de patients comme de soignants (voir infra).
(21) Jérôme Pélissier, De la maltraitance " ordinaire " dans les établissements de santé, Réflexions autour de l'étude publiée par la HAS, lien au 17 mai 2018 : http://jerpel.fr/spip.php?article289, consulté le 2 mars 2018.
(22) Audition du Collège national des sages-femmes, le 16 janvier 2018.
(23) Dans beaucoup d'EHPAD ainsi que d'établissements hospitaliers, des couches sont automatiquement appliquées aux personnes âgées, qu'elles en aient besoin ou non, en contradiction avec le principe de maintien de l'autonomie des personnes. Les horaires de lever et de coucher, les repas avec des durées parfois réduites aux horaires des sociétés assurant la restauration lorsqu'elle a été " externalisée ", obéissent aux mêmes règles de rentabilité, au mépris de la qualité de vie.
(24) Ce sont les coups de sonnettes répétés, auxquels personne ne répond faute de temps, le verre d'eau que l'on refuse par précaution excessive lors d'accouchements, mais aussi toutes les défaillances dans les prises en charge de la douleur.
(25) Enquête nationale FNATH, association des accidentés de la vie L'accès aux soins des personnes handicapées et victimes du travail, octobre 2017, lien au 17 mai 2018 : http://fnath.org/upload/file/03%20-%20Action%20revendicative/Enquete%20FNATH_%20Respect%20des%20droits%20et%20acces%20aux%20soins%20octobre%202017.pdf
(26) Audition du Dr Didier Ménard, le 14 février 2018.
(27) " Endométriose : améliorer la démarche diagnostique et clarifier les modalités de traitements ", HAS, 17 janv. 2018 et Murielle Salle, Catherine Vidal, " Femmes et santé, encore une affaire d'homme ? ", Belin, 2017.
(28) L'association Gras Politique emploie le terme de " gros.se " pour évoquer les personnes en surpoids ou perçues comme telles. L'emploi de ce terme de la part de la CNCDH pourrait cependant être perçu de manière négative c'est pourquoi on utilisera l'expression plus générale de " personnes en surpoids ou perçues comme telles ".
(29) Audition de Marie-Hélène Lahaye, le 16 janvier 2018.
(30) L'association Gras Politique rapporte que des jeunes filles perçues comme étant en surpoids ont été nommées " gros plein de soupe " par leur médecin ou encore que certaines ont été incitées à " aller chez les chevaux " pour passer une IRM.
(31) Audition de la Ministre Agnès Buzyn, le 20 mars 2018 ; audition de Baptiste Beaulieu et Clara de Bort, le 7 février 2018, Fin de vie : la France à l'heure des choix, CESE, avril 2008, lien au 17 mai 2018 : www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2018/2018_10_fin_vie.pdf
(32) Audition de Baptiste Beaulieu et Clara de Bort, le 7 février 2018 ; audition de Muriel Salle, le 25 janvier 2018 ; tribune " Le consentement, point aveugle de la formation des médecins ", d'une cinquantaine de personnalités (médecins, juristes, journalistes,...), à l'initiative notamment de Clara de Bort, directrice d'hôpital, ancienne correspondante Santé à la Mission interministérielle de Lutte contre les violences faites aux femmes et de Martin Winckler, médecin et écrivain en février 2015, lien au 17 mai 2018 : https://lesvendredisintellos.files.wordpress.com/2015/02/lettreouverte4.pdf
(33) Audition de Gras Politique, le 25 janvier 2018.
(34) Contribution de l'Inter-LGBT au débat bioéthique, lien au 17 mai 2018 : https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/pages/contributions-des-auditions, consulté le 5 avril 2018.
(35) Audition de Michel Delcey, le 7 février 2018.
(36) Audition de Gras politique, le 25 janvier 2018.
(37) Ibid et Col., Bariatric surgery is associated with increased risk of new-onset inflammatory bowel disease: case series and national database study, Alimentary Pharmacology & Therapeutics, Volume 47, Issue 8, avril 2018, pages 1126-1134.
(38) Audition du Dr Didier Ménard, le 14 février 2018.
(39) Des représentantes de l'association Gras Politique ont rapporté à la CNCDH que l'on a par exemple demandé à des personnes en surpoids de perdre du poids alors qu'elles venaient pour une consultation dentaire, audition de Gras Politique, le 25 janvier 2018.
(40) Kpéa et al., " Initial Preference for Labor Without Neuraxial Analgesia and Actual Use: Results from a National Survey in France ", Anesth Analg, sept. 2015, 121(3) ; et la présentation qui est faite en ligne : lien au 17 mai 2018 : http://www.inserm.fr/actualites/rubriques/actualites-recherche/en-france-la-peridurale-est-frequente-chez-les-femmes-qui-souhaitaient-accoucher-sans ;CNSF, " Recours à la péridurale, choix ou contrainte pour les femmes ? ", communiqué, 2015, lien au 17 mai 2018 : http://www.cnsf.asso.fr/doc/8A7B2228-F30D-F6C2-5AD03504BECCEC0A.pdf
(41) Audition de l'association française pour le médecine palliative et Ordre des médecins ; avis du CESE (www.lecese.fr/travaux-publies/fin-de-vie-la-france-l-heure-des-choix).
(42) Voir, entre autres, " Les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-C, de l'ACS et de l'AME ", Défenseur des Droits, mars 2014 ; activité du COMEGAS (collectif des médecins généralistes pour l'accès aux soins) évoqué par Martine Lalande, vice-présidente du Syndicat de la Médecine Générale, audition du 20 mars 2018.
(43) Audition du Dr Djéa Saravane, le 13 février 2018 ; audition du Dr Didier Ménard, le 14 février 2018.
(44) Prix et accès aux traitements médicamenteux innovants, Avis du Conseil économique, social et environnemental, 25 janvier 2017, lien au 5 février 2018 : http://www.lecese.fr/travaux-publies/prix-et-acces-aux-medicaments-innovants.
(45) Loi santé du 26 janvier 2016, lien au 17 mai 2018 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031912641&categorieLien=id
(46) Feuille de route d'Agnès Buzyn, lien au 17 mai 2018 : http://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/actualites-du-ministere/article/agnes-buzyn-devoile-sa-feuille-de-route ; loi sur les vaccins obligatoires, 30 décembre 2017, lien au 17 mai 2018 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do? idSectionTA=LEGISCTA000006171171&cidTexte=LEGITEXT000006072665
(47) Article L. 5111-4 du Code de la santé publique.
(48) Audition de Gras Politique, le 25 janvier 2018.
(49) Murielle Salle, Catherine Vidal, " Femmes et santé, encore une affaire d'homme ? ", Belin, 2017.
(50) On a ainsi prescrit pendant des années la pilule Norlevo aux femmes en surpoids, alors qu'elle ne fonctionne pas au-dessus de 80 kilos ce qui a contraint à des IVG répétées, audition de Gras Politique, le 25 janvier 2018.
(51) Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, rapport d'activité 2016, lien au 17 mai 2018 : http://www.cglpl.fr/2017/rapport-dactivite-2016/ ; rapport spécifique " Isolement et contention dans les établissements de santé mentale ", http://cglpl.fr/2016/isolement-et-contention-dans-les-etablissements-des-sante-mentale-2/
(52) Protocole National de Diagnostic et de Soins concernant les personnes présentant une insensibilité partielle ou complète aux androgènes (IPA/ICA), janvier 2018, CRMR et FIRENDO.
(53) La HAS précise d'un côté que " tant que l'enfant ne peut pas participer à la décision thérapeutique, aucune action médicale ou chirurgicale potentiellement irréversible ne doit être pratiquée " mais affirme quelques pages plus loin que " la chirurgie des patients IPA élevés dans le sexe masculin (correction de l'hypospadias, abaissement testiculaire) est réalisée le plus souvent dans la 2ème année de vie " sans critiquer cette pratique.
(54) " Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l'égard des personnes intersexes " Conseil de l'Europe, résolution 2191 du 12/10/2017 http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-fr.asp?fileid=24232&lang=fr
(55) Cf ; supra note 44 ; " VIH, Hépatites, la face cachée des discriminations ", rapport 2016, Aides.
(56) La grève des aides-soignantes et infirmiers du CHU de Nîmes est un exemple de cette souffrance qui affecte non seulement le patient, mais aussi les soignants qui travaillent en sous-effectif. Durant cette grève, les soignants ont dénoncé un manque de communication avec la direction, l'épuisement chronique d'un personnel dont l'activité a sensiblement augmenté ces trois dernières années et la maltraitance des personnes âgées.
(57) Hôpitaux en surchauffe : " Le no bed challenge est un signal d'alarme ", Le Parisien, 25 mars 2018.
(58) Audition de Xavier Emmanuelli, le 20 février 2018 et audition de Didier Ménard, le 14 février 2018.
(59) Audition du Dr Xavier Emmanuelli, le 20 février 2018.
(60) Article 2 du code de déontologie des médecins (avril 2017), repris de l'article R. 4127-2 du CSP.
(61) Audition de Gras Politique, le 25 janvier 2018.
(62) Vieillissement et dépendance : la France est-elle dans le déni ?, France Culture, 2 août 2017, lien au 17 mai 2018 : https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-moudre-dete/vieillissement-et-dependance-la-france-est-elle-dans-le-deni
(63) L'âgisme est caractérisé par toutes les formes de discrimination, de ségrégation, de mépris fondées sur l'âge et est notamment étudié par l'Observatoire de l'âgisme (http://www.agisme.fr/
(64) Thibaut Jedrezejwski, thèse de doctorat en médecine, État des lieux des difficultés rencontrées par les homosexuels face à leurs spécificités de santé en médecine générale en France, 2016, lien au 17 mai 2018 : www.bichat-larib.com/publications.documents/5210_JEDRZEJEWSKI_these.pdf
(65) CNCDH, Avis sur les violences contre les femmes et les féminicides, adopté le 26 mai 2016, JORF n°0131 du 7 juin 2016, texte n° 45.
(66) 5e enquête sur les discriminations à l'encontre des personnes vivant avec le VIH, Sida Info Service /région Ile de France, 2012, lien au 17 mai 2018 : www.sis-animation.org/wp-content/uploads/2013/10/SIS_Rapport_Discri_2012.pdf
(67) Chiffres HAS - www.scopesante.fr, consulté le 6 avril 2018.
(68) L'espérance de vie en 2016 est de 79.4 ans pour les garçons et de 85.4 pour les filles. Source : Catherine Vidal et Murielle Salle, Femmes et santé, encore une affaire d'hommes, Belin, 2017 ; étude DRESS, lien au 17 mai 2018 : http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/les-francais-vivent-plus-longtemps-mais-leur-esperance-de-vie-en-bonne-sante
(69) Priscille Sauvegrain, La santé maternelle des " Africaines " en Ile-de-France : racisation des patientes et trajectoires de soins ", Expériences de la santé en migration, Vol. 28, n°2, 2012.
(70) Les permanences d'accès aux soins de santé (PASS) créées dans le cadre de la Loi du 29/7/1998 relative à l'exclusion, " proposent un accueil inconditionnel et un accompagnement dans l'accès au système de santé des personnes sans couverture médicale ou avec une couverture partielle. Leur rôle est de faciliter l'accès aux soins des personnes démunies et de les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits ", " Les permanences d'accès aux soins de santé ", Agence Régionale de santé, 20 février 2017, https://www.ars.sante.fr/les-permanences-dacces-aux-soins-de-sante-0, consulté le 21/03/2018. Voir aussi ouvrage coordonné par Claire Georges-Tarragano consacré essentiellement aux PASS " Soigner (l)'humain- Manifeste pour un juste soin au juste coût ", Presse de l'EHESP, 2015.
(71) L'audition de Claire Tarragano, du 20 février 2018, nous a renseignés sur le fait qu'on a pu considérer que certains établissements disposaient d'une PASS en ayant seulement un mi-temps d'assistant social qui intervient sur tout un établissement.
(72) " La catégorie des patients " CMUs " est largement utilisée par les praticiens : elle semble être devenue une autre manière de nommer les personnes pauvres ou en situation de précarité. Le fait de bénéficier de ce type de couverture maladie rend ainsi visible, via la lecture de la carte vitale, le niveau de revenus des personnes ou de leurs foyers et participe à une catégorisation qui définit les patient·e·s par leur couverture (…) Si les perceptions de ce que signifie " pauvre " ou " précaire " varient fortement selon les professionnel·le·s de santé, des représentations négatives sont le plus souvent associées à cette catégorie ". Résultats de l'étude : " Des pratiques médicales et dentaires, entre différenciation et discrimination." Une analyse de discours de médecins et dentistes, Défenseur des droits, mars 2017, lien au 17 mai 2018 : https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/etudesresultats-oit-03.04.17-num-final.pdf
(73) Ibid. et information donnée par l'Ordre des médecins lors de l'audition du 6 mars 2018.
(74) Estelle Carde illustre les difficultés de l'étranger en expliquant que bien souvent, face à un travailleur social, " l'étranger n'ose pas dire qu'il n'a pas compris pour ne pas énerver l'agent car il y a du monde, ça va vite, il sent que l'agent n'est pas très réceptif ", audition du 07/02/2018.
(75) Synthèse du Rapport de l'Observatoire de 2017, " Les Laissés pour compte : l'échec de la couverture santé universelle en Europe ", Médecins du monde ; UCL, European network to reduce vulnerabilities in health.
(76) " Le Pass " met un numéro à la disposition des soignants en souffrance, 13 mars 2018, lien au 17 mai 2018 : https://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/presentation/pass-numero-disposition-soignants-souffrance.html
(77) Malgré les rappels par des Instructions ministérielles aux hôpitaux et cliniques leur enjoignant de respecter la législation sur le temps de travail des internes (écho donné notamment par Le quotidien du médecin du 7 juin 2016).
(78) Audition de l'ISNI, le 14 février 2018.
(79) Auditions de l'ISNI, le 14 février 2018 et audition de l'Ordre des médecins le 6 mars 2018.
(80) Billaud Solène, Jingyue Xing, " ‘On n'est pas si mauvaises !' Les arrangements des aides-soignantes en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) face aux épreuves de professionnalité ", p.9, Sociologies, Dossiers, Relation d'aide et de soin et épreuves de professionnalité, mis en ligne le 16 juin 2016, consulté le 6 mars 2018.
(81) Sur son blog " Alors voilà ", Baptiste Beaulieu raconte le récit d'une infirmière arrivant chaque matin un quart d'heure plus tôt pour masser le ventre d'un patient pour l'aider à aller à la selle, lien au 17 mai 2018 : http://www.alorsvoila.com/2018/02/
(82) Pascal Champvert, président de l'association réclame un ratio de 8 personnels " tout compris " (incluant entre autres cuisinier, directeur...) pour 10 résidents, contre une moyenne de 6 pour 10 sur l'ensemble des 8000 Ehpad en France, lien au 17 mai 2018 : https://ad-pa.fr/communiques
(83) Eric Favereau, " EHPAD : des aides-soignants essorés et esseulés ", Libération, 28 janvier 2018. (www.liberation.fr/france/2018/01/28/ehpad-des-aide-soignants-essores-et-esseules_1625801 ). Un vaste mouvement de soutien aux personnels des EHPAD s'est manifesté avec la tribune initiée notamment par l'urgentiste Patrick Pelloux en janvier 2018 (www.change.org/p/dignité-des-personnesâgées-des-moyens-pour-nos-ehpad) ayant recueilli 639 500 signatures à la date du 10/5/2018.
(84) Op. cit. note 82.
(85) Sur son blog " Alors voilà ", Baptiste Beaulieu rappelle qu'un soignant a oublié de fermer la porte d'un patient déféquant, dans un contexte de travail pressurisé qui néglige l'humanité des patients. De son côté, lors de son audition, le 6 mars 2018, Valentine Trépied témoigne d'observations en EHPAD d'un comportement d'aide-soignante pressée pour le change de couches (posées systématiquement), soulevant la jupe d'une résidente pour voir si " c'est mouillé ", alors que la sociologue était en train de recueillir son témoignage pour sa thèse dans le cadre de l'EHESS (www.cmh.ens.fr/Trepied-Valentine).
(86) L'emploi du temps des médecins libéraux. Diversité objective et écarts de perception des temps de travail, Solidarité et Santé, n°15, 2010, http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/article201015.pdf
(87) Ibid, page 12-13.
(88) Ibid, page 13.
(89) Billaud Solène, Jingyue Xing, ‘On n'est pas si mauvaises !', page 12.
(90) Enquête de santé mentale de 2017, lien au 17 mai 2018 : http://www.isncca.org/Actualite/207/20170613%20Presentation%20Conf%20de%20presse%20ESMJM.pdf
(91) En 2017, 11 urgentistes sur 25 ont démissionné de l'hôpital de Dreux à cause de la pression au travail.
(92) Parmi eux ont été interrogés des aides-soignantes, des chirurgiens-dentistes, des masseurs-kinésithérapeutes, des sages-femmes, des orthophonistes, pédicures, podologues, et des étudiants.
(93) Un tabou : le suicide des médecins, France Culture, 20 juin 2016, lien au 17 mai 2018 : www.franceculture.fr/emissions/sur-les-docks/un-tabou-le-suicide-des-medecins
(94) L'association Jean-Louis Megnien a par exemple pour objectif de contribuer " par tous moyens, à combattre les diverses formes de maltraitances et de harcèlements au sein de l'hôpital public, y compris en apportant aide et assistance à ceux qui peuvent en être victimes ou, le cas échéant, en menant des actions judiciaires ", lien au 17 mai 2018 : http://associationjeanlouismegnien.fr/
(95) Rapport Couty, 8 janvier 2018, lien au 17 mai 2018 : http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_cout y_chu_de_grenoble.pd f Il a été suivi d'un appel national ''mille signatures et une urgence'' lancé par 1000 médecins et cadres hospitaliers le 15 janvier 2018 (www.liberation.fr/france/2018/01/15/nous-medecins-hospitaliers-etcadres-de-sante_1622636), lui-même suivi d'un appel de soutien de personnalités non professionnelles de santé (http://appel-citoyen-des-etats-generaux-de-la-sante.com/).
(96) " Prenez soin de vos petites mains ! " Témoignage d'une infirmière psychiatrique sur la ''difficulté grandissante de prendre soin dans un environnement de plus en plus hostile à l'engagement personnel et au regard humaniste porté sur la maladie mentale''. Dossier ''Essence et sens du soin'', Pratiques, n°78 (7/2017, pp 14-15), lien au 17 mai 2018 : https://pratiques.fr/-Pratiques-No78-Essence-et-sens-du-soin
(97) Baromètre des aidants 2017, lien au 17 mai 2018 : http://www.fondation-april.org/barometre-fondation-april
(98) Art. L. 113-1-3 du code de l'action sociale et des familles : "Est considéré comme proche aidant d'une personne âgée son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, un parent ou un allié, définis comme aidants familiaux, ou une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables, qui lui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne ".
(99) Les rendez-vous médicaux des aidants sont ainsi souvent repoussés voire non effectués.
(100) "Les aidants familiaux, une souffrance silencieuse ", Happy Silvers, 14 mars 2017, https://www.happysilvers.fr/les-aidants-familiaux-une-souffrance-silencieuse-2/, consulté le 18 mars 2018.
(101) La prévention, le repérage et la gestion des risques d'épuisement, ANESM, www.anesm.sante.gouv.fr/IMG/Chapitre%203(3).pdf, consulté le 27 mars 2018.
(102) "Les aidants familiaux, une souffrance silencieuse ", Happy Silvers, 14 mars 2017, https://www.happysilvers.fr/les-aidants-familiaux-une-souffrance-silencieuse-2/, consulté le 18 mars 2018.
(103) On ne peut négliger le fait que, dans le cadre de la journée mondiale de la maltraitance des personnes âgées, le 14 juin 2017, l'AD-PA soulignait qu'hormis les cas graves de maltraitances volontaires, pénalement répréhensible, famille et professionnels étaient piégés : " Le plus souvent à domicile pour les familles (où se déroulent 80% des maltraitances contre 20% en établissement), à domicile ou en établissement pour les professionnels, les difficultés (...) naissent de l'épuisement des uns et des autres ; ces actions involontaires s'apparentent plus à une insuffisante bientraitance : prise en compte incomplète des attentes de la personne, délais trop longs dans la réponse, accompagnement trop rapide dans les actes quotidiens, écoute insuffisante... Au-delà de l'amélioration de l'information et de la formation, l'essentiel reste la nécessité d'augmenter le nombre de professionnels aidant les personnes âgées à domicile ou en établissement. " (https://adpa.fr/journee-mondiale-contre-la-maltraitance-des-personnes-agees-comprendre-et-agir.php).
(104) Handicap-Santé 'Aidants informels' (HSA), DREES, 2008, social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/HSA_-Ponderations_c.pdf, consulté le 20/03/2018
(105) Laëtitia Rullier, Dynamiques psychologiques en jeu dans la relation entre l'aidant familial et la personne âgée démente. In Jean Bouisson, et al. Vieillissement et vieillesse, vulnérabilité et ressources : regards croisés. Pessac, MSHA, 2011
(106) Handicap-Santé 'Aidants informels' (HSA), DREES, 2008, social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/HSA_-Ponderations_c.pdf, consulté le 20/03/2018
(107) Une nouvelle approche des aidants familiaux : enquête sur la charge de l'aidant familial ou proche aidant. Paris, APF, 2013.
(108) L'Audition de Gras Politique insistait sur le nombre d'enfants moqués par des médecins à cause de leur surpoids qui ne souhaitaient plus se rendre chez un généraliste.
(109) On peut rappeler que certains cabinets médicaux n'ont pas de matériel adapté pour les personnes en surpoids et que le matériel pour procéder aux IRM ne leur sont pas adaptés non plus, ce qui a été confirmé par l'audition de l'Ordre des médecins.
(110) L'association Gras Politique a par exemple créé des " listes safe " et des " listes non safe " à partir de l'expérience de patient en surpoids (https://graspolitique.wordpress.com/liste-safe/). Des listes blanches ont aussi été créé pour les soignants féministes (https://gynandco.wordpress.com/trouver-une-soignante-2/liste-des-soignantes/) ou accueillant les personnes trans (https://bddtrans.fr/).
(111) Voir entre autres, " VIH, Hépatites, la face cachée des discriminations ", rapport 2016, Aides. " Résoudre les refus de soins ", rapport annuel sur le respect des droits des usagers du système de santé adopté en séance plénière de la Conférence nationale de santé le 10 juin 2010.
(112) Clotilde Genon, Cécile Chartrain et Coraline Delebarre, " Pour une promotion de la santé lesbienne : état des lieux des recherches, enjeux et propositions " in Genre, sexualité & société, 2009.
(113) Audition du Conseil national de l'Ordre des médecins, 6 mars 2018 ; rôle aussi des médiateurs de santé évoqué par le Dr Didier Ménard lors de son audition (cf. supra).
(114) " Il faut quand même être réaliste. Je sais que moi le moindre médicament qui n'est pas remboursé, je le refuse, je ne le prends plus. Six euros pour moi c'est du pain, c'est du lait. Je préfère manger que d'acheter un médicament ". " Extrait du rapport du laboratoire d'idée santé du mouvement ATD Quart Monde dans le cadre d'une contribution à l'atelier santé ville (ASV). ASV est le fruit d'une démarche territoriale visant à rapprocher les acteurs de la politique de la ville et les professionnels de la santé afin d'élaborer des programmes de santé adaptés au niveau local, avec notamment la participation des habitants.
(115) Conseil d'État, Ordonnance du 26 juillet 2017, n° 412618.
(116) Audition de Muriel Salle, le 25 janvier 2018.
(117) Audition de Didier Ménard, le 14 février 2018.
(118) Jérôme Pellisser, " De la maltraitance ordinaire dans les établissements de santé. Réflexions autour de l'étude ", HAS, 2010.
(119) Audition de Muriel Salle, le 25 janvier 2018.
(120) Audition de Didier Ménard, le 14 février 2018.
(121) Ibid.
(122) Audition de Xavier Emmanuelli, le 20 février 2018.
(123) Murielle Salle, Catherine Vidal, " Femmes et santé, encore une affaire d'homme ? ", Belin, 2017.
(124) Gynécologie Niveau DCEM2, Polycopié National, mis à jour le 5 octobre 2015, www.chups.jussieu.fr/polys/gyneco/index.html, consulté le 7 mai 2018.
(125) Melanie Blackless, Anthony Charuvastra, Amanda Derryck, Anne Fausto-Sterling, Karl Lauzanne et Ellen Lee, 2000, " How sexually dimorphic are we? Review and synthesis ", in American Journal of Human Biology, 12, p. 151-166 [PDF].
(126) Antoine Faix, responsable du comité d'andrologie et de médecine sexuelle à l'Association française d'urologie ainsi déclaré au quotidien 20 minutes "Au-delà de deux ans, il est essentiel qu'un enfant soit élevé comme petit garçon ou petite fille au risque de ne pas trouver sa place ensuite, avance-t-il. L'expression est malheureuse, mais c'est ce qu'on appelle le "sexe d'élevage" ".
(127) HAS, Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS) Insensibilités aux androgènes, 21 décembre 2017 ; audition du Dr Djéa Saravane, le 13 février 2018. Le Dr Saravane, qui a participé à la rédaction des référentiels de prise en charge de l'autisme et à celle du guide " Accueil, accompagnement et organisation des soins en établissement de santé pour les personnes en situation de handicap " a mis en place la première échelle permettant de mesurer la douleur chez les patients en incapacité de communiquer.
(129) " Arrêtez de donner des règles ou des marches à suivre, alors que nos conditions de vie ne nous permettent de le faire. Vous vous rendez compte ! Avoir des normes comme ça, ça nous abime le moral, ça nous culpabilise et le résultat c'est l'inverse de ce vous vouliez nous faire faire ", Parole confiée lors du laboratoire d'idée du mouvement ATD Quart Monde lors de l'audition à l'assemblée nationale dans le cadre de la concertation sur la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes (février 2018).
(130) Campagne " 40% des cancers pourraient être évités ", septembre 2017, Ministère des Solidarités et de la Santé et Institut national du cancer.
(131) " Qu'est-ce que le diabète ", fédération française des diabétiques, www.federationdesdiabetiques.org/information/diabete, consulté en ligne le 7 mai 2018 ; Pr André Grimaldi, Yvanie Caillé, Frédéric Pierru, Didier Tabuteau, Les maladies chroniques - vers la 3ème médecine- 20 millions de français concernés, Ed. Odile Jacob 3/2017, 772 pages, sur les dimensions multifactorielles de l'explosion des maladies chroniques et de ce que cela implique pour les soins et en amont de ceux-ci.
(132) Audition de Baptiste Beaulieu et Clara de Bort, le 7 février 2018.
(133) Audition de Véronique Ghadi, le 7 février 2018.
(134) Clara de Bort explique qu'en tant que directrice d'hôpital elle avait des difficultés à faire entendre un manque de cohésion entre les différents services hospitaliers puisqu'elle était systématiquement renvoyée à son statut de personnel administratif par le personnel soignant.
(135) Olivia Gazale, Le mythe de la virilité, Robert Lafont, 2017.
(136) L'anthropologue et médecin Emmanuelle Godeau explique, grâce à une enquête dans les internats, que l'univers des internes repose sur un ethos masculin avec l'archétype du carabin comme un jeune homme célibataire. En étudiant " l'esprit de corps " des internes elle remarque l'importance des chansons paillardes, de coutumes sexualisées selon une vision masculine, d'appel à des prostituées et d'une surenchère de blagues machistes de la part des femmes qui souhaitent s'insérer dans ce corps de métier.
(137) L'ISNI indique qu'ils ont été alertés sur ce type de situation lors de leur audition à la CNCDH.
(138) Les études médicales sont-elles vraiment sexistes ?, Enquête égalité femme-homme, ISNI, www.isni.fr/wp-content/uploads/2017/11/Etude-sexisme-ISNI.pdf
(139) http://blogs.lexpress.fr/le-boulot-recto-verso/2017/11/17/sexisme-a-lhopital-des-chiffres-alarmants/
(140) Les salaires dans la fonction publique hospitalière, INSEE, 2014, https://www.insee.fr/fr/statistiques/2664862, consulté le 26/03/2018.
(141) Audition de Baptiste Beaulieu et Clara de Bort, le 7 février 2018.
(142) Audition de Baptiste Beaulieu et Clara de Bort, le 7 février 2018.
(143) Thibault Jedrzejewski, État des lieux des difficultés rencontrées par les homosexuels face à leurs spécificités de santé en médecine générale en France Réflexions sur le contexte et les données actuelles, l'histoire et les subjectivités gays et lesbiennes, 18 octobre 2016.
(144) Audition de Michel Delcey, le 7 février 2018.
(145) Ibid.
(146) Audition de Gras Politique, le 25 janvier 2018.
(147) Ibid et audition de Baptiste Beaulieu et Clara de Bort, le 7 février 2018.
(148) Elise Lambert, Deux poids deux mesures : des patientes dénoncent la grossophobie médicale ", Franceinfo, lien au 17 mai 2018 : https://www.francetvinfo.fr/societe/grand-format-je-ne-me-soigne-plus-a-cause-des-medecins-des-patientes-denoncent-la-grossophobie-medicale_2551559.html
(149) Si un cathéter (tube inséré dans une cavité du corps) est destiné à être changé tous les trois ou quatre jours, " pour les personnes obèses, ça va parfois jusqu'à quinze jours, parce qu'on n'a pas assez de personnes pour le faire, du coup ça augmente le risque d'infection ", Elise Lambert, Deux poids deux mesures : des patientes dénoncent la grossophobie médicale ", Franceinfo, lien au 17 mai 2018 : https://www.francetvinfo.fr/societe/grand-format-je-ne-me-soigne-plus-a-cause-des-medecins-des-patientes-denoncent-la-grossophobie-medicale_2551559.html
(150) " ‘ L'absence de matériel adapté et l'organisation pour les prendre en charge prend plus de temps, ce qui réduit leur chance de guérison, voire de survie', explique Cédric, infirmier en réanimation dans un hôpital en région parisienne. En ‘réa', les patients arrivent à la suite d'une complication post-opératoire, d'une aggravation brutale de leur état de santé, ils doivent être soignés dans l'urgence. ‘Lorsqu'une personne qui pèse plus de 200 kilos arrive, on sait que ça va être la galère, on n'a rien d'adapté et on doit faire très vite', raconte l'infirmier ", Id.
(151) Audition de Gras Politique, le 25 janvier 2018.
(152) Audition de Sophie Guillaume et audition de Marie-Hélène Lahaye 16 janvier 2018. Celle-ci décrit ainsi les salles d'accouchement comme un lieu où les femmes sont alignées dans des salles les unes à côté des autres et où l'évolution du travail de l'ensemble des femmes enceintes est suivie dans une autre pièce par les sages-femmes à travers un système informatique rassemblant toutes les données. Un protocole de prise en charge est mis en œuvre sans tenir compte du rythme naturel et des besoins individuels de la patiente. L'objectif est de réguler dans le temps les phases de délivrance, en fonction de la disponibilité du personnel. Au-delà de la question de la prise en charge individuelle, cette logique peut être à l'origine de complications lors de l'accouchement.
(153) " Là, nous sommes vraiment embolisés ", article Francetvinfo du 19 mars 2018.
(154) François Beguin, Les urgences hospitalières confrontées à une surchauffe inhabituelle sur l'ensemble du territoire, Le Monde, 17 mars 2018.
(155) Patrick Pelloux, président de l'Association des Médecins urgentistes de France, interrogé sur France5 le 9/5/2018, lien au 17 mai 2018 : www.france.tv/france-5/c-a-vous/saison-9/502491-le-scandale-qui-secoue-le-samu-c-a-vous-09-05-2018.html
(156) Objectif national de dépenses d'assurance maladie, http://www.financespubliques.fr/glossaire/terme/Eco_ONDAM/
(157) Le #BalanceTonHosto en est particulièrement représentatif de difficultés auxquelles fait face le personnel hospitalier, https://twitter.com/hashtag/balancetonhosto?lang=fr
(158) Voir notamment Jean-Marie Fessler et Pierre Frutiger " La tarification hospitalière à l'activité - De la critique d'une réforme budgétaire au juste financement de la santé ", Lamarre, 2003 ; Nicole Smolski, Bertrand Mas, Richard Torrielli, " L'hôpital en réanimation ", Ed. du Croquant 2011 ; Philippe Batifoulier " Capital santé - quand le patient devient client ", économiste de la santé, La Découverte, 2014, et surtout un travail collectif de l'IRDES " Qualité des soins et T2A : pour le meilleur ou pour le pire ? ", www.irdes.fr/EspaceRecherche/DocumentsDeTravail/DT53QualiteSoinsT2A.pdf
(159) Nathalie Angele-Halgand, Thierry Garrot, " Les biens communs à l'hôpital : de la ‘T2A' à la tarification au cycle de soins ", Association Francophone de Comptabilité, Tome 20, 2014, p.25
(160) André Grimaldi, " L'arnaque de la T2A ", revue Médecine, novembre 2017.
(161) Didier Ménard rapporte que lorsqu'il réclamait un soutien pour son centre de santé communautaire à Saint Denis, un conseiller du ministre et la DGOS lui ont expliqué qu'il n'existait pas de " politique spécifique pour les quartiers populaires " et qu'ils ne participeraient donc pas à leur rencontre nationale.
(162) Ainsi, le Conseil économique et social (2003), plusieurs rapports de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'inspection des finances (2007 et 2010), le Conseil national de politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion (2011), le Défenseur des droits, dans un rapport sur les refus de soins (2014) et le Conseil national du sida (2016) réclament une PUMA vraiment universelle.
(163) " Vers une sécurité sociale unique ", Médecins du Monde, lien au 17 mai 2018 : http://www.medecinsdumonde.org/fr/actualites/aide-medicale-detat/2017/03/14/vers-une-securite-sociale-unique
(164) Audition du Dr André Deseur au nom du Conseil national de l'Ordre des médecins, le 6 mars 2018.
(165) Audition du Dr Ménard, le 14 février 2018.
(166) Audition du Dr Claire-Georges Tarragano, le 20 février 2018.
(167) Comme ce fut le cas pour le traitement de l'hépatite C jusqu'en 2016 par les nouveaux antirétroviraux à action directe.
(168) Catherine Pajares y Sanchez et Christian Saout, Prix et accès aux traitements médicamenteux innovants, CESE, janvier 2017.
(169) La licence d'office est prévue à l'article L 613-16 du Code de la Propriété Intellectuelle et est autorisée par les accords internationaux dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
(170) Déclaration d'Adélaïde sur l'intégration de la santé dans toutes les politiques, OMS, lien au 17 mai 2018 : http://www.who.int/social_determinants/french_adelaide_statement_for_web.pdf?ua=1
(171) Voir notamment Annonce et accompagnement du diagnostic d'un patient ayant une maladie chronique, HAS, février 2014.
(172) CNCDH, avis sur le consentement des personnes vulnérables, adopté le 16 avril 2015, JORF n°0158 du 10 juillet 2015, texte n°126.
(173) "Patient et professionnels de santé :" Décider ensemble ", Etat des lieux de la HAS, 2013, lien au 17 mai 2018 : https://www.has-sante.fr/portail/plugins/ModuleXitiKLEE/types/FileDocument/doXiti.jsp?id=c_1671518
(174) Mariannick Lambert, La démocratie sanitaire, intervention à la 23ème université d'automne de la LDH : La santé dans tous ses états, 2 décembre 2017.
(175) Décret n° 2010-361 du 8 avril 2010 relatif au conseil de surveillance des établissements publics de santé, JORF n°0083 du 9 avril 2010 page 6765, texte n°30.
(176) A ce sujet, voir, " Pour l'an II de la démocratie sanitaire ", rapport à la ministre des Affaires sociales et de la santé, Claire Compagnon en collaboration avec Véronique Ghadi, 2014.
(177) Care Quality Commission, Experts by experience, http://www.cqc.org.uk/about-us/jobs/experts-experience
(178) Mariannick Lambert, la démocratie sanitaire, intervention à la 23ème université d'automne de la LDH : La santé dans tous ses états, 2 décembre 2017.
(179) Op. cit., note 181.
(180) Ibid.
(181) Eric Faverau, " la féminisation de la médecine en pleine santé ", Libération, 10 octobre 2017.
(182) http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i0769.pdf
(182) Selon l'OCDE, les infirmiers français sont rémunérés 5 % de moins que le salaire moyen national, plaçant la France en 26e position sur les 29 pays comparés ,OCDE (2017), Panorama de la santé 2017 : Les indicateurs de l'OCDE, Editions OCDE, Paris, lien au 17 mai 2018 : https://read.oecd-ilibrary.org/social-issues-migration-health/panorama-de-la-sante-2017_health_glance-2017-fr#page170
(185) Audition de l'ISNI, le 14 février 2018.
(186) Ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention, JORF n°0223 du 23 septembre 2017, texte n° 37
(187) Décret n° 2010-1139 du 29 septembre 2010 portant statut particulier du corps des infirmiers en soins généraux et spécialisés de la fonction publique hospitalière, JORF n°0227 du 30 septembre 2010, texte n° 36.
(188) Audition de l'ISNI, le 14 février 2018.
(189) Dans leurs auditions respectives, le Docteur Deseur et le Docteur Ménard ont insisté sur l'importance de familiariser les médecins en formation avec des espaces peu attractifs de façon à sensibiliser envers de populations diverses et aussi attirer les médecins dans les déserts médicaux.
(190) Certains internes ne savent pas recoudre un patient alors qu'ils disposent d'une connaissance scientifique très aboutie. Audition du Dr Djéa Saravane, le 13 février 2018.
(191) https://www.atd-quartmonde.fr/wp-content/uploads/2008/11/Art_Sante_Publique
(192) Rapport du Comité Consultatif National d'Ethique sur le débat public concernant la fin de vie, octobre 2014.
(193) Selon un rapport d'information du Sénat daté de 2015, les maisons de naissances permettraient d'économise 7 millions d'euros d'économie, https://www.senat.fr/rap/r14-243/r14-2431.pdf
(194) Audition de Sophie Guillaume le 16 janvier 2018 ; audition Collège National des Sages-femmes, le 16 janvier 2018.
(195) Audition du Dr André Deseur au nom du Conseil national de l'Ordre des médecins, le 6 mars 2018.
(196) A l'occasion de son audition par la MECSS du Sénat le 14 mai 2012, Didier Tabuteau, directeur de la chaire santé à Science Politique et codirecteur de l'Institut droit et santé insistait sur la nécessité de lier médecine de ville et médecine hospitalière.
(197) Le centre de santé mis en place par le Dr Didier Ménard en est un exemple de bonne pratique.
(198) " Vivre ensemble, vivre en grand. Pour une réconciliation nationale ", rapport de la mission de Jean-Louis Borloo, auprès du Ministre de la Cohésion des territoires.
(199) Handicap psychique : des séjours pour soulager les aidants, lien au 17 mai 2018 : https://tourisme.handicap.fr/art-oeuvre-falret-sejour-aidant-1028-9986.php.
(200) La Charte d'Ottawa précise que l'idée de " ressource quotidienne " est " un concept positif mettant l'accent sur les ressources sociales et personnelles, et sur les capacités physiques " de chacun. (Conférence internationale sur la promotion de la santé, Ottawa, du 17 au 21 novembre 1986).
(201) HAS, Pour des outils de repérage et de prévention du risque de perte d'autonomie. Annexe 7. In Comment repérer la fragilité en soins ambulatoires. Saint-Denis : HAS 2013.
(202) La prévention, le repérage et la gestion des risques d'épuisement, rapport de l'ANESM, www.anesm.sante.gouv.fr/IMG/Chapitre%203(3).pdf, p. 72.
(203) Avis du Défenseur des droits n°15-03, 7 mars 2015, https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=12817